La Ville et plusieurs associations ou collectifs planchent sur le devenir de la prison désaffectée depuis 2010.
Rennes. Acquise par la Métropole en 2020, la prison Jacques-Cartier figurait dans le programme électoral de Nathalie Appéré (PS), en campagne pour sa réélection à l’hôtel de ville rennais la même année. La reconversion de l’ancienne prison construite au tournant du siècle dernier en un équipement « citoyen et culturel » constituait un des points saillants de son programme. Mais le contexte inflationniste amène aujourd’hui la Métropole à temporiser ce lourd investissement, privilégiant le financement des activités culturelles existantes. « Il y a beaucoup, beaucoup d’attente autour de cette réhabilitation, constate Tristan Lahais, vice-président de Rennes Métropole. C’est un élément moteur pour nous, mais aussi une frustration de stagner dans un contexte financier qui ne permet pas d’être aussi réactif que possible. »
Cette forte attente du public, la Métropole a pu la mesurer lors des deux dernières éditions des Journées européennes du patrimoine : « Lors des visites, d’anciens détenus se sont mis spontanément à expliquer leurs conditions de détention aux visiteurs, se souvient Gaïd Andro, membre de l’association Cartier Libre. En médiation, ce sont des moments qui n’arrivent pas si souvent. » Pour cette spécialiste de la médiation scientifique, maîtresse de conférences en histoire à l’INSPE Nantes, la reconversion du site représente une occasion rare : « On voit souvent des reconversions radicales des prisons ; le cas rennais est original, car la question d’une reconversion en logement, et donc l’enjeu économique, a très vite été évacuée. C’est assez unique de voir une volonté de ne pas effacer le passé carcéral. »
Lors d’ateliers participatifs organisés par la Métropole – ayant pour but de travailler sur la programmation des lieux –, la valorisation du passé a fait consensus parmi la soixantaine de citoyens planchant sur l’avenir de la prison, et cette volonté a été inscrite dans le « Manifeste » produit à l’issue de ce travail. Parmi les participants figuraient quelques membres de l’association Champs de Justice, qui œuvre à l’ouverture d’un lieu de médiation consacré à la justice. Son président, Christian Gentilleau, apprécie l’image des « briques juxtaposées » pour évoquer la construction de cette programmation : un pôle jeunesse, un pôle résidence et création artistique, un pôle outil citoyen, et un pôle mémoire et patrimoine qui pourront cohabiter dans les 14 000 mètres carrés de la friche patrimoniale. « On n’envisage pas un équipement avec sa programmation propre, une direction artistique, précise Tristan Lahais. On souhaite que les structures présentes sur le territoire puissent programmer au sein de l’ancienne prison. »
Associée à Cartier Libre et aux associations du champ juridique et pénitentiaire de Rennes, Champs de Justice verrait bien la partie nord de la prison – la plus ancienne – être réservée à l’histoire des lieux. D’autant que l’édifice ne bénéficie aujourd’hui d’aucune protection Monument historique, et d’une faible protection patrimoniale dans le Plan Local d’Urbanisme rennais. « S’il y a un secteur à protéger en particulier, c’est l’aile st, estime Christian Gentilleau, c’est ici qu’au sous-sol ont été torturés les résistants. » Le vice-président de la métropole insiste sur ce « fil rouge patrimonial, et la nécessité de protéger l’ensemble remarquable du site » dans l’élaboration du projet.
Freinée par le contexte économique, la Métropole poursuit a minima la reconversion des lieux, par des travaux pour mettre l’édifice hors d’eau et d’air, ainsi que l’engagement de « phases tests » pour évaluer l’occupation de l’ancienne prison. Pour les membres de l’association Cartier Libre, l’urgence réside dans la collecte des traces de l’activité carcérale, afin de nourrir leur projet de recherche et de médiation culturelle. Récolte de témoignages d’anciens détenus, d’anciens agents pénitentiaires, mais aussi campagne photographique documentant précisément les quelque 370 cellules constituent la matière première de ce travail. « C’est une prison assez classique, qui n’a pas grand-chose de spécifique, explique Fanny Le Bonhomme, maîtresse de conférences en histoire et membre de l’association. Les bâtiments ne sont pas classés, il n’y a pas eu de grandes figures incarcérées, comme Jean Moulin à Montluc [à Lyon]. Cela nous permet d’envisager un travail sur l’objet prison en lui-même, dans une ville où cette question est assez prégnante. »
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Que faire de la prison Jacques-Cartier à Rennes ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°622 du 1 décembre 2023, avec le titre suivant : Que faire de la prison Jacques-Cartier à Rennes ?