PARIS
Le Musée du quai Branly reste unique en son genre grâce à la combinaison inégalée de parti pris affirmés et sanctionnés par une réussite incontestable. Est-il pour autant un modèle ?
Vingt ans après la décision de Jacques Chirac – alors président de la République – de créer un nouveau musée consacré aux arts non occidentaux, dix ans après son ouverture et quelques mois après la réouverture d’un Musée de l’Homme enfin rénové, le Musée du quai Branly reste unique en son genre. Mais cette singularité ne repose pas sur un concept original qui constituerait l’essence de la nature des collections, de la muséographie, des activités scientifiques ou de l’action culturelle. Cette singularité repose sur un pluriel, sur la somme de ses différentes missions qui puisent chacune ce qu’il y a de plus moderne dans la muséologie actuelle. Le rassemblement d’arts non occidentaux en un seul lieu ? Le British Museum le fait depuis longtemps. « Débarrasser les œuvres du fatras qui les accompagne traditionnellement dans les musées d’ethnographie », comme l’indiquait Germain Viatte, alors conseiller pour la muséographie auprès de Stéphane Martin, dans le Journal des Arts de juin 2006 ? Les musées Cernuschi, Guimet ou Dapper, pour ne prendre que des lieux parisiens, avaient ouvert la voie de l’esthétisation des arts premiers. Développer l’action culturelle ? Le Louvre avait profité de son vaste chantier pour se transformer en cité culturelle. Faire du musée un lieu d’interrogation sur les civilisations passées ou les sociétés actuelles ? Le Centre Pompidou fait figure de modèle en la matière.
La singularité du Quai Branly tient à ce qu’il est le seul à avoir rassemblé dans un quartier prestigieux, dans un geste architectural et paysager audacieux, des collections représentatives de tous les arts non occidentaux, magnifiées dans leur présentation, associées à un programme exigeant d’expositions et de colloques ouvert aux débats sociétaux, avec la volonté d’offrir au public tous les services que celui-ci attend d’un équipement de culture et de distraction (sans que ce terme ne soit ici péjoratif).
Un dessein bien né et réussi
Dix ans après, le concept est réussi à en juger par son rang dans le Palmarès des musées du Journal des Arts (créé en 2004). Dès sa première année de classement, le Quai Branly entre à la douzième place et occupera par la suite trois fois la première place et deux fois la deuxième. Cette réussite repose pour beaucoup sur les importants moyens qui lui ont été donnés et, plus encore, sur la gouvernance du projet. Dans un pays où les grands projets culturels doivent avoir le soutien du président de la République, le Quai Branly a bénéficié du double mandat de son initiateur, qui a pu l’inaugurer un an avant son départ de l’Élysée. Il en a confié les rênes à Stéphane Martin, qui pilote le projet depuis le début, ayant même obtenu de pouvoir diriger lui-même la maîtrise d’ouvrage. Constitué en établissement public – ce qui lui confère une autonomie, elle-même accrue par la double tutelle ministérielle (Culture et Enseignement supérieur) synonyme de marges de manœuvres –, le musée est aussi l’un des rares à recourir à des prestataires extérieurs privés pour l’accueil, le gardiennage, l’entretien, lui assurant une souplesse dans la gestion humaine que lui envient nombre de ses confrères. De sorte que même s’il a dû affronter, lors de sa préfiguration, les polémiques sur son positionnement à l’égard du Musée de l’Homme, il est somme toute parti d’une page blanche qu’il a pu remplir à sa guise.
Singulier donc, mais le Quai Branly est-il pour autant un modèle à suivre, en particulier sur l’articulation entre musée d’art et musée de société ? C’est cet aspect particulier que le Journal des Arts a voulu analyser, dans un dossier sans complaisance et d’une longueur inhabituelle. Il y en avait pourtant bien d’autres : la politique des publics, la recherche, les rapports avec le marché (on se souvient de la vente record Vérité d’arts premiers, qui s’est tenue peu de jours avant l’inauguration), l’ouverture à l’art contemporain. Mais, il nous a en effet semblé qu’au moment où les musées de civilisation se multiplient (MuCEM à Marseille, Musée des Confluences à Lyon), où les musées scientifiques et même les musées d’art s’intéressent de plus aux aspects sociétaux, il y avait là un enjeu majeur pour le Musée du quai Branly-Jacques Chirac, ainsi qu’il devrait être renommé dans quelques semaines.
Les chiffres clefs
Budget total de construction : 290 M €
Superficie des salles d’exposition : 12 000 m²
Budget 2015 : 64 M €
Subvention de l’État : 84 %
Nombre d’œuvres : 1 176 855
Nombre total de visiteurs en 2015 : 1,3 million (-13 %)
Nombre d’expositions depuis 2006 : 97
Nombre de conservateurs et attachés : 60
Les grandes dates
1996 : Jacques Chirac décide de la création d’un musée des « arts et des civilisations »
1997 : Création de la mission de préfiguration du Musée « de l’homme, des arts et civilisations »
1998 : Choix du terrain sis 29/55, Quai Branly-Création de l’établissement public
2000 : Ouverture du pavillon des Sessions au Musée du Louvre
2001 : Début des travaux
2006 (juin) : Ouverture au public
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Quai Branly : 10 ans d’un parcours singulier
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°456 du 29 avril 2016, avec le titre suivant : Quai Branly : 10 ans d’un parcours singulier