Après plus de deux ans de travaux de rénovation, le Musée Gassendi, à Digne-les-Bains, a rouvert ses portes au public. Beaux-arts, collections scientifiques et œuvres contemporaines s’y côtoient au sein d’une scénographie fort judicieuse. Le parcours se poursuit hors les murs avec la visite de la crypte Notre-Dame du Bourg et les créations d’artistes réalisées in situ dans la Réserve géologique de Haute-Provence.
Digne-les-Bains - Créé à la fin du XIXe siècle, le Musée Gassendi (du nom du philosophe) a rouvert ses portes au public après plus de deux ans de travaux de rénovation, pour un coût de 1,2 million d’euros. Sans tomber dans le piège du musée fourre-tout et en respectant l’historique du lieu, la conservatrice Nadine Gomez-Passamar a réussi à mettre en valeur une collection très éclectique. Objets scientifiques, beaux-arts et créations contemporaines se côtoient, dialoguent, s’enrichissent mutuellement grâce à une scénographie particulièrement féconde. Pour Nadine Gomez-Passamar, il s’agissait d’“utiliser toutes les richesses du musée, de faire se rencontrer les traces primitives de la vie sur Terre et les créations contemporaines, afin de susciter de nouveaux questionnements”. Le mur d’argile séché et craquelé d’Andy Goldsworthy, réalisé pour le musée en 1999, est ainsi confronté aux paysages provençaux du XIXe siècle réunis par l’ancien conservateur Étienne Martin (1856-1947). Au rez-de-chaussée, l’espace réservé aux collections scientifiques – animaux naturalisés, minéraux, fossiles, instruments d’optique ou de physique – abrite également la Tabula Terra de Tom Shannon, un globe terrestre en lévitation au-dessus d’une table magnétique. De son côté, herman de vries a choisi de rendre hommage à un naturaliste du XIXe siècle, le docteur Simon-Jude Honnorat (1783-1852), à travers une centaine de portraits végétaux qui ornent les murs et accompagnent l’herbier d’Honnorat.
Le “musée réinventé”
La visite du Musée Gassendi se poursuit hors les murs, à Digne, mais aussi dans la Réserve géologique de Haute-Provence qui surplombe la ville. À la cathédrale Notre-Dame du Bourg d’abord, où, ici encore, le patrimoine converse avec la création contemporaine : les vitraux et le mobilier liturgique conçus par David Rabinowitch en 1998 pour l’église romane en cours de rénovation (lire l’encadré) accentuent la dimension sacrée de l’édifice. Un peu plus loin, la Réserve géologique et Le Cairn, centre d’art pensé comme un musée en plein air, déploient les créations d’Andy Goldsworthy, herman de vries, de Curt Asker, Jean-Luc Parant ou Joan Fontcuberta. Créé à l’initiative du Musée Gassendi, Le Cairn invite depuis 1995 des artistes en résidence à Digne, appelés à formuler des propositions visuelles répondant à “l’esprit des lieux”. Le travail le plus abouti est peut-être celui de Goldsworthy, qui a imaginé des Refuges d’art, véritable itinéraire de douze jours à travers le pays dignois. Les randonneurs découvrent sur leur parcours les réalisations composées avec les matériaux naturels de la région (pierres, bois, argile, feuilles...). “Il s’agit d’un musée réinventé. Le but est à la fois de valoriser le site et de constituer un patrimoine contemporain intégré au cœur du pays dignois, explique Nadine Gomez-Passamar. Aujourd’hui, il n’est plus temps de faire entrer le monde au sein de l’institution, ni même d’exhumer les réserves, mais d’ouvrir le Musée Gassendi à son territoire.” Outre ces créations in situ, les interventions d’artistes peuvent prendre la forme d’expositions temporaires qui se déroulent dans une petite construction de bois installée à la lisière de la réserve. Le lieu a accueilli cet été les travaux de Stéphane Bérard (lire le JdA n° 170, 2 mai 2003) et Mark Dion. Ce dernier a présenté son Ichthyosaurus (2003), reconstitution d’une espèce fossile de reptile marin ici éventré et qui déverse quantité d’objets liés à la paléontologie. Son Theatrum Mundi : Armarium (2001), meuble-cabinet de curiosité, pourrait bientôt rejoindre le Musée Gassendi, Nadine Gomez-Passamar souhaitant mener une politique d’acquisition en faveur de la création contemporaine et multiplier les résidences d’artistes. Une expérience particulièrement fructueuse pour l’artiste herman de vries, ainsi qu’il en témoigne dans le catalogue : “Digne est rapidement devenue une part de moi-même, elle a pris place dans mon cœur, car c’est quasiment le seul endroit au monde où je n’ai trouvé que pure poésie”.
- Musée Gassendi, 64 boulevard Gassendi, 04000 Digne-les-Bains, tél. 04 92 31 45 29, tlj sauf mardi 11h-19h et 13h30-17h30 à partir du 1er octobre. À lire : Nouvelles curiosité, ouvrage paru à l’occasion de la réouverture du musée, 134 p., 30 euros. - Le Cairn, centre d’art des Alpes-de-Haute-Provence, Musée-promenade Saint-Benoît, 04000 Digne-les-Bains, tél. 04 92 36 70 70, tlj 9h-12h et 13h30-17h.
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Pur moment de poésie
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Abonnez-vous dès 1 €Édifice de style roman à nef unique, la crypte de l’église Notre-Dame du Bourg, qui dépend du Musée Gassendi, fait actuellement l’objet d’une vaste campagne d’aménagement et de mise en valeur, dans le cadre du plan pour le patrimoine antique en Provence-Alpes-Côte d’Azur, lancé en 1999 par la Région (lire le JdA n°172, 30 mai 2003). Menée par l’architecte en chef des Monuments historiques Francesco Flavigny, cette opération devrait s’achever d’ici 2006. Trois campagnes de fouilles archéologiques réalisées entre 1983 et 1994 sous la direction de Gabrielle Démians d’Archimbaud ont permis de suivre l’évolution de ce site complexe occupé pendant près de 2 000 ans. Des restes d’un grand bâtiment gallo-romain du Ier siècle, des tombes, mausolées et enclos funéraires apparus au cours du IVe, une mosaïque de la fin du Ve, les traces des mutations de l’édifice de l’époque carolingienne à romane, des centaines d’inhumations apparues du XIe au XIIIe siècle… autant de découvertes qui révèlent toute la richesse historique du lieu.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°176 du 12 septembre 2003, avec le titre suivant : Pur moment de poésie