Prêt d’oeuvres : un trop plein d’assurance

Une récente enquête démontre que les primes d’assurance exigées par les musées prêteurs dépassent largement les risques encourus.

Le Journal des Arts

Le 15 février 2011 - 531 mots

BRUXELLES (BELGIQUE) - Les résultats d’une enquête menée par un groupe de recherches et financée par la Commission européenne ont révélé que, dans le cadre de prêts concédés par les grands musées européens, le coût d’une assurance commerciale peut représenter jusqu’à 15 % du budget d’une exposition.

Les institutions prêteuses ont l’habitude de « surestimer les risques, ce qui entraîne une hausse des primes d’assurance », explique Frank Bergevoet, membre du groupe de recherches et coordinateur de « Collections Mobility 2.0 », projet financé par l’Europe pour réduire les obstacles financiers et administratifs aux prêts. « Les musées insistent pour être couverts en cas de dommage ou de perte, des risques qu’ils n’encourent pas lorsque l’œuvre d’art est exposée sur leurs murs », ajoute-t-il. Même lorsque les pays disposent de systèmes d’indemnisation, c’est-à-dire que le gouvernement soutient l’organisation d’une exposition en se portant garant pour l’institution demandeuse, les prêteurs font souvent la demande d’une assurance commerciale complémentaire.

Les enquêteurs ont découvert qu’il n’y avait eu que 7 déclarations de sinistre sur les 5 605 prêts couverts par ces systèmes d’indemnisation gouvernementaux entre 2003 et 2008. Les dégradations ont été minimes et les compensations versées se sont élevées à un total de 80 000 euros. Frank Bergevoet a ainsi rendu hommage au Rijksmuseum d’Amsterdam et au Musée royal des beaux-arts d’Anvers, qui ont accepté que 33 tableaux prêtés par le musée hollandais entre 2004 et 2007 ne soient assurés que le temps de leur transport. Paul Huvenne, directeur du musée belge, confirme : « Nous avons pu réduire les frais d’assurance de manière considérable. » Autre membre du groupe de recherches, Susanna Pettersson, directrice de l’Alvar Aalto Museum (à Jyväskylä, en Finlande), explique que les professionnels des musées ont besoin de « se détendre un peu », de réévaluer les risques encourus et la manière dont ils dépensent leurs maigres ressources. 

Risques réévalués 
Nick Brett, responsable souscription chez Axa Art, voit d’un bon œil la manière dont les musées réévaluent ces risques, mais il reste circonspect : « Si un pays X prêtait à un pays Y et qu’il y avait un incendie ? Avec un contrat commercial, vous savez à quoi vous en tenir. » Il ajoute par ailleurs que, si une œuvre est volée, les compagnies d’assurance n’abandonnent jamais les recherches.
Sandy Nairne, directeur de la National Portrait Gallery de Londres, indique que le faible nombre de déclarations est un énorme « plus » pour la sécurité des musées et leurs critères de conservation, mais qu’en tant que directeur, il doit « essayer d’équilibrer les différents types de risque ». Il rappelle ainsi le vol de deux Turner prêtés pour une exposition à la Schirn Kunsthalle de Francfort par la Tate de Londres en 1994 (le musée avait été dédommagé à hauteur de 24 millions de livres sterling et les tableaux ont depuis été retrouvés) : « Sans contrat d’assurance, la Tate n’aurait eu ni dédommagement, ni tableaux. » Un stage de formation sur les subtilités de l’art du prêt doit se tenir du 23 au 25 février au Musée des beaux-arts de Budapest, le dernier et troisième chapitre de la phase actuelle du projet « Collections Mobility 2.0 ». 

Légende photo

Le personnel du musée royal des beaux-arts d'Anvers déplace une œuvre de Quentin Metsys, en 2009 - © photo D.R.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°341 du 18 février 2011, avec le titre suivant : Prêt d’oeuvres : un trop plein d’assurance

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