Sigmar Polke (1941-2010) est certainement le peintre allemand de sa génération à la créativité la plus débridée, la plus foisonnante, la plus libre.
Abhorrant tout conformisme, jamais il ne s’est limité à des modes de production figés. Il y a bien un « style Polke », mais il se traduit avant tout par une façon irrévérencieuse et provocatrice de vivre le métier d’artiste. « Un être très latin, très méditerranéen, dionysiaque, avec un côté totalement iconoclaste, et beaucoup d’humour doublé d’une immense générosité », témoigne Guy Tosatto, commissaire de l’exposition Polke à Grenoble, et qui a bien connu l’artiste. Il ajoute : « C’était quelqu’un qui dans sa tête n’arrêtait pas de travailler. Avec toujours une distance vis-à-vis du monde marchand et des institutions. Quelqu’un de complexe, souvent déroutant, qui assumait parfaitement de revendiquer une chose et son contraire. Avec également un énorme appétit de vivre, amoureux des bonnes choses, des femmes, de l’alcool, des drogues… »
Repousser les limites de la peinture
Né en 1941 à Oels, en Silésie – à l’époque en Allemagne, aujourd’hui en Pologne –, dans une famille protestante luthérienne très pieuse, Sigmar est l’avant-dernier d’une nombreuse fratrie, où il apparaît rapidement comme le vilain petit canard. La famille doit fuir en 1945, s’installe en Thuringe, puis quitte en 1953 l’Allemagne de l’Est pour celle de l’Ouest et s’établit à Düsseldorf. En 1963, étudiant à la Kunstakademie de Düsseldorf, Polke fonde avec Gerhard Richter et Konrad Fischer (à l’époque Konrad Lueg) le Réalisme capitaliste (Kapitalistischen Realismus), une référence ironique à l’art officiel des pays de l’Est, le Réalisme socialiste, mais aussi une réponse au pop art américain et au minimalisme, deux tendances alors dominantes sur le marché de l’art international. Dès lors, Polke ne cessera, le cerveau comme un bouillonnant chaudron en fusion permanente, de tenter de repousser les limites de la peinture, interrogeant sans complaisance les fonctions et la duplicité des images d’une société qui en dégorge constamment. Il n’eut de cesse d’expérimenter des matériaux improbables et des techniques hasardeuses. Trames, superpositions, procédés photomécaniques, images de presse, tout lui est bon pour vitaliser les supports et les matières les plus divers et en tirer un maximum de potentialités plastiques.
L’œuvre de Polke, autant connue en Allemagne que celle de ses compatriotes Richter et Baselitz, témoigne d’un contenu novateur aussi puissant que celle du phare du pop art américain qu’est Andy Warhol, avec une dimension contestatrice assurément plus radicale. À la question de savoir s’il se considérait comme un artiste du pop art, Polke répond en 1994 : « On peut dire ça. Il faut distinguer cependant. Mon pop est européen, comme l’a été celui de Richter. Il n’a rien à voir avec le pop américain, qui ne s’intéresse qu’à la consommation et aux produits, et en arrive à la vacuité des images de Warhol. Mon pop a d’autres sujets… psychologiques si l’on peut dire. Il s’intéresse à ce que les gens, n’importe qui, ont dans la tête ; aux questions de chacun, aux questions sur soi-même, aux aspects inconnus qui sont en nous, à ce que nous ne savons pas, à nos idées, y compris nos idées religieuses. Comme ces idées sont souvent populaires, alors je suis un artiste pop. »
1941
Naissance à Oels, aujourd’hui en Pologne
1961
Il intègre l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf
1963
Il fonde le mouvement artistique Réalisme capitaliste avec Gerhard Richter
1977-1991
Il enseigne à l’Académie des beaux-arts de Hambourg
1986
Lion d’or à la Biennale de Venise
2010
Il reçoit le prix Haftmann juste avant de disparaître à l’âge de 69 ans
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« Pop » Polke
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Abonnez-vous dès 1 €jusqu’au 2 février 2014. Musée de Grenoble. Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 10 h à 18 h 30. Tarifs : 8 et 5 €.
Commissaire : Guy Tosatto. www.museedegrenoble.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°663 du 1 décembre 2013, avec le titre suivant : « Pop » Polke