Après quinze ans de travaux, la restauration à Arezzo de l’Histoire de la Vraie Croix de Piero della Francesca touche à sa fin. Précédée d’une longue et minutieuse phase préparatoire, cette intervention est certainement "la plus difficile et la plus complexe que l’Opificio delle Pietre Dure ait jamais réalisée sur une surface murale", selon son directeur, Giorgio Bonsanti.
AREZZO (de notre correspondante) - Peintes entre 1452 et 1466, les fresques de Piero ornant la chapelle Bacci, dans l’église Saint-François, ont au cours de leur longue histoire subi de nombreuses avanies, des tremblements de terre aux restaurations malheureuses. Ce sont justement les effets néfastes d’interventions précédentes qui ont imposé cette nouvelle restauration. En 1856, des retouches respectueuses avaient été faites par le peintre restaurateur Gaetano Bianchi, mais en 1910-1916, une grande quantité de ciment a été utilisée, tant pour renforcer les murs fissurés que pour consolider l’enduit détaché. Or, riche en eau et en sel minéraux, le ciment est la principale cause de la sulfatation : la transformation du carbonate de calcium dont est constitué l’enduit qui contient la couleur en sulfate de calcium, c’est-à-dire en plâtre. En 1961-1962, Leonetto Tintori a tenté d’y remédier par l’application de résines et de matériaux du type “paraloïd” sur lesquels on misait alors énormément mais qui, au fil du temps, ne se sont pas révélés satisfaisants. Au début des années quatre-vingt, la sulfatation et les autres dégradations ont nécessité, pour la survie du cycle, une intervention à la fois esthétique et de conservation. Il serait d’ailleurs plus exact de qualifier cette fresque de peinture murale, car de nombreuses parties ont été ajoutées à sec, avec l’emploi de détrempes grasses, de vert-de-gris, de laques et de céruses, techniques habituellement utilisées pour les peintures sur panneau.
Une lumière nouvelle
En 1997, la restauration de la paroi gauche terminée, débutaient les travaux sur la voûte de Neri di Bicci. La paroi de droite, qui vient d’être achevée, est la plus significative puisque c’est la première sur laquelle Piero della Francesca a œuvré et où ses aides sont les moins présents. Une fois les surfaces peintes consolidées, le même critère a été adopté : réintégrations chromatiques a tempera totalement réversibles lorsque c’était possible, et traitement neutre a tempera dans les parties où les lacunes étaient trop importantes. La restauration de la lunette représentant la Mort d’Adam, très lacunaire et maculée de coulures d’eau, est sans conteste la plus intéressante. Elle a retrouvé sa dimension spatiale, notamment grâce à la reconstitution de l’arc encadrant la scène dans le haut : on devine maintenant le point de fuite de la perspective au centre ; les corps ont retrouvé leur profondeur. La lumière, caractéristique des panneaux de Piero della Francesca, domine à nouveau, et certaines parties peu lisibles auparavant, comme le corps d’Adam, ont acquis un nouveau relief. Les références à Fra Angelico et à l’univers classique défini par Longhi sont bien plus évidentes (avant de réaliser ce cycle, Piero aurait effectué un voyage à Rome, où il aurait étudié les copies romaines d’après les sculptures grecques). L’Adoration du Bois sacré par la reine de Saba et la Visite de la reine de Saba à Salomon, au registre inférieur, offrent la même impression d’unité retrouvée. Trois grands manques n’ont été comblés qu’en partie, mais l’état général de conservation est bien meilleur et, une fois éliminés les effets nuisibles de la sulfatation, les couleurs ont retrouvé une grande vivacité. De plus, le nettoyage a rendu plus apparents les détails des physionomies, au point que l’on suppose une connaissance directe de Van Eyck.
Quant au Songe de Constantin, il a réservé quelques surprises. Le ciel est à présent plein d’étoiles et envahi d’une lumière qui n’est pas celle de la pleine nuit mais des premières lueurs de l’aube. L’ange tient dans ses mains une croix que l’on ne distinguait absolument pas avant le nettoyage ; il s’en dégage une lumière qui baigne la scène et se reflète sur le visage de l’ange.
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Piero solaire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°102 du 31 mars 2000, avec le titre suivant : Piero solaire