NANTES
Ralentie par de nombreux recours, la rénovation du musée a été un chemin de croix.
Nantes (Loire-Atlantique). En janvier 2011, lorsque le Musée Dobrée ferme ses portes, les Nantais pensent pouvoir arpenter les salles du palais néo-médiéval quatre ans plus tard. Treize années se sont finalement écoulées avant que ce musée de collectionneurs éclectiques soit rendu au public. Si la volonté politique du département, propriétaire du musée, s’est montrée constante dans l’exécution de ce grand projet, elle s’est heurtée à une bataille juridique de voisinage particulièrement âpre. Deux concours architecturaux et plusieurs passages devant le tribunal administratif de Nantes auront été nécessaires pour faire éclore cette rénovation attendue.
Au départ, c’est un « jardin magique » imaginé par Dominique Perrault qui doit permettre d’unifier le palais néo-médiéval de la fin du XIXe siècle et le Manoir de la Touche du XVe siècle. Une extension en sous-sol, un miroir d’eau et une lande de bruyère, les plans de l’architecte de la Bibliothèque nationale de France ont convaincu le jury du concours, mais pas le voisinage direct du musée. Notamment Guillaume Turlan, président de l’association Nantes Patrimoine, une structure créée en 2009 pour sensibiliser les Nantais au patrimoine « et notamment sur ce qui se prépare pour le Musée Dobrée ».
Cette association ad hoc, fondée en amont du dépôt du permis de construire, est ainsi opérationnelle pour mener une bataille judiciaire lorsque le chantier peut commencer. En 2012, première victoire pour Nantes Patrimoine, qui obtient la suspension des travaux grâce à une annulation du permis de construire par le tribunal administratif de Nantes. Exploitant les subtilités du plan local d’urbanisme nantais, l’association parvient à faire confirmer cette décision par la cour d’appel de Nantes en février 2014, enterrant définitivement l’extension en sous-sol de Dominique Perrault.
En 2016, le département repart de zéro, après une réouverture très partielle du musée en 2015 pour une petite exposition temporaire dans les quelque 600 mètres carrés qui ont pu être rénovés. Un groupement, composé de l’Atelier Novembre pour l’architecture, l’Atelier Moabi pour le paysage et les Ateliers Adeline Rispal pour la scénographie, remporte un second concours architectural, avec un projet plus sobre. Plus d’extension en infrastructure, une attention particulière portée à l’aménagement paysager : cette seconde mouture répond aux griefs formulés par Nantes Patrimoine sur les plans de Dominique Perrault.
L’association et son président reviennent toutefois à la charge, avec cette fois pour cible l’extension contemporaine en acier sur le Manoir de la Touche, indispensable pour l’accessibilité de l’édifice du XVe siècle. Avec moins de succès cette fois, puisque le Conseil d’État rejette le recours de l’association contre le permis de construire en mars 2021, décision réitérée par le tribunal administratif de Nantes. « C’était le 6 décembre 2022, je m’en souviendrai toute ma vie, le tribunal a définitivement débouté ce recours, retrace Dominique Poirout, vice-présidente du département chargée de la Culture et du Patrimoine. Même si les équipes étaient confiantes, il y avait toujours cette épée de Damoclès au-dessus du projet, qui avait déjà pris du retard. Et à chaque fois, c’était un coup porté aux équipes qui travaillent sur la rénovation depuis dix ans. »
Pourtant plus frugale que le projet de 2010, la rénovation entamée en 2016 voit sa facture gonfler durant les travaux, sous l’effet combiné de l’inflation, et de désordres structurels touchant notamment les planchers du palais. Alors qu’elle ne devait mobiliser qu’une trentaine de millions d’euros, la rénovation coûte finalement 50 millions, autant que le projet initial de Dominique Perrault. Une situation que le président de Nantes Patrimoine ne manque pas de dénoncer dans la presse locale, tout comme l’inaccessibilité des collections durant une décennie… dont il est pourtant en partie responsable.
Les difficultés judiciaires de cette rénovation auront toutefois permis au département d’affirmer sa politique patrimoniale, accouchant notamment d’une structure originale. Au lendemain de l’annulation du premier projet architectural, en 2014, le service Grand Patrimoine est créé : le service mutualise le riche patrimoine dont le département est dépositaire (le Musée Dobrée, le château de Clisson, celui de Châteaubriant, le domaine de la Garenne-Lemot) ainsi que son service archéologique, et son laboratoire de restauration à la renommée nationale, Arc’Antique.
« Grand Patrimoine » a permis de mettre en commun les compétences des agents de ces sites auparavant dispersés, mobilisant notamment les équipes du Musée Dobrée durant cette longue période de travaux : elles ont ainsi pu redéfinir l’offre culturelle du château de Châteaubriant. L’épreuve de Dobrée a accéléré la réflexion du département sur le regroupement et la mutualisation des coûts, dans un contexte de contraction de la ressource publique, mais aussi sur la nécessité d’harmoniser la politique culturelle des sites départementaux. « Le but du service n’est pas seulement de restaurer, rénover, mais de faire vivre le patrimoine, explique Dominique Poirout. Le travail mené par Grand Patrimoine vise à ce que tous les habitants accèdent à ces monuments. À Dobrée, le projet muséal a clairement été conçu pour cibler un public familial, aux jeunes, celles et ceux qui n’accèdent pas habituellement aux musées. »
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Musée Dobrée, un long parcours judiciaire et architectural
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°634 du 24 mai 2024, avec le titre suivant : Musée Dobrée, un long parcours judiciaire et architectural