VILLENEUVE-D’ASCQ
En partenariat avec le C2RMF et le CNRS, le LaM de Villeneuve-d’Ascq a lancé un programme inédit de recherches sur les œuvres du peintre en collections publiques françaises.
Paris. Depuis avril 2018, un discret va-et-vient des œuvres d’Amedeo Modigliani (1894-1920) se fait entre les cimaises des musées français et le C2RMF (Centre de recherche et de restauration des musées de France) à Paris. Ces déplacements résultent d’un vaste programme de recherches sur l’œuvre du peintre italien mené par le LaM à Villeneuve-d’Ascq (Nord), en partenariat avec le C2RMF et le Laboratoire CNRS de miniaturisation pour l’analyse, la synthèse et la protéomique de l’université Lille-I (MSAP). Prévu pour durer deux ans, le programme va passer au crible les vingt-cinq peintures et trois sculptures de Modigliani présentes dans les collections publiques françaises.
D’une envergure inédite en France, le projet doit servir à mieux connaître les gestes du peintre, à affiner la datation de ses œuvres, à en améliorer les techniques de conservation et de restauration. Et, accessoirement, à améliorer les outils d’authentification de l’œuvre.
« Le projet est né lors de la préparation de l’exposition “Amedeo Modigliani, l’œil intérieur” en 2016 au LaM », explique Marie-Amélie Senot, l’une des commissaires de l’exposition, attachée de conservation au LaM. « L’œuvre de Modigliani est passionnante, mais il n’y a pas grand-chose sur quoi s’appuyer pour étudier son œuvre : les témoignages sont tardifs et les historiens de l’art manquent de matériel. » L’image d’un homme suicidaire, miséreux et alcoolique, soit le type même de l’artiste maudit, a contribué à poser des filtres sur son œuvre. « Les collections publiques françaises sont riches et surtout, elles s’étendent sur toute la période de production de Modigliani, d’une première œuvre en 1908 jusqu’aux dernières œuvres en décembre 1919. » Ce corpus évite également de s’appuyer sur les catalogues raisonnés du peintre ; sujets à caution, l’étude du LaM s’en tient volontairement à l’écart.
Un budget de 452 000 euros
À l’initiative du LaM, épaulé par le C2RMF et le CNRS à travers son laboratoire lillois, le projet recueille l’accord de principe des dix musées français possédant les peintures et sculptures de Modigliani. Le succès populaire de l’exposition, avec plus de 200 000 visiteurs accueillis, a convaincu les collectivités territoriales (Région Hauts-de-France et Métropole européenne de Lille) d’apporter leur soutien sur plus de la moitié du plan de financement, estimé en 2017 à 452 000 euros. « Ce projet permettra de mieux faire connaître l’excellence de la recherche sur le territoire métropolitain », note le conseil métropolitain dans sa délibération sur son financement à hauteur de 130 000 euros. Le service des Musées de France et la Drac (direction régionale des Affaires culturelles) sont également engagés dans ce cofinancement. « Au LaM revient la documentation, la recherche en histoire de l’art et la mise en lien avec le public. Au C2RMF, nous allons procéder aux imageries et aux analyses inorganiques. Au MSAP de Lille revient la caractérisation des parties organiques, vernis et liants, à partir des échantillons que le C2RMF prélève », résume Michel Menu, chef du département Recherche du C2RMF.
Six œuvres sont déjà passées dans les laboratoires parisiens, et cinq autres s’y trouvent actuellement. « Sous l’effet de la fluorescence X, on découvre le geste du peintre, au plus près de son pinceau », s’enthousiasme Marie-Amélie Senot. « Ce ne sont pas de simples aplats de couleurs. Chromatiquement, il utilise ainsi plusieurs couleurs pour faire un vert », ajoute Michel Menu. Des compositions sous-jacentes dans les œuvres du début ont été découvertes : les siennes ou celle d’un ami peintre – l’examen de ces premiers résultats d’analyse devra le déterminer. Une 26e peinture venue de Nancy a été intégrée au corpus pour servir de contrepoint, car La Femme brune a été désattribuée lors d’une première analyse en 1981. « Notre projet ne porte pas sur les attributions, mais si une œuvre pose problème, ce sera dit», affirme sans ambiguïté Marie-Amélie Senot.
En 2020 viendra le temps de la restitution autour d’un colloque, d’une exposition et d’une publication, dont les contours restent à définir. Pour l’heure, l’étude n’est pas tenue secrète. « L’idée est d’associer le public et surtout le jeune public à cette enquête, même pendant dans la phase de recherches », insiste l’attachée de conservation. Trois classes, deux de quatrième au collège et une de seconde au lycée, participent au projet au côté des équipes du musée et des laboratoires de recherche. Des étapes de restitution sont également prévues au musée de Villeneuve-d’Ascq.
Les protocoles et les processus actuellement mis en place pourraient faire école pour d’autres œuvres d’artistes du XXe siècle.
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Modigliani sous toutes les coutures
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°511 du 16 novembre 2018, avec le titre suivant : Modigliani sous toutes les coutures