PARIS
Quatre ans de travaux ont permis de restaurer l’ancien Garde-Meuble de la Couronne de la place de la Concorde, haut lieu de l’histoire de France construit par Gabriel au XVIIIe siècle, avant de l’ouvrir bientôt à la visite.
Situation paradoxale que celle de l’hôtel de la Marine. Le majestueux monument du siècle des Lumières est une des façades incontournables de Paris. Mais si tout le monde connaît son élégante silhouette, rares sont les privilégiés à avoir eu la chance de pénétrer en son sein, et pour cause ! L’iconique bâtiment a abrité pendant plus de deux siècles, jusqu’en 2015, le siège de l’état-major de la Marine. Un lieu stratégique donc, gardé sous très haute sécurité où le secret défense est de mise, comme le rappelle encore le cabinet de l’espion, une cachette microscopique, digne d’un thriller, dissimulée derrière les lambris du salon diplomatique.
Avant de devenir ce bunker de luxe, le bâtiment avait pourtant été un lieu largement ouvert, puisqu’il a accueilli le tout premier musée de Paris en 1776. Un lieu dont l’accès était gratuit tous les premiers mardis du mois, entre avril et novembre, de la Quasimodo (premier dimanche après Pâques) à la Saint-Martin, nous précise l’almanach, de 9 h à 13 h. Le site faisait relâche l’hiver, car les salles d’exposition étaient dépourvues de chauffage et l’éclairage trop onéreux à cette période ! Il faut dire que plus de mille bougies étaient nécessaires pour garnir les spectaculaires lustres de ce qui s’appelait alors le Garde-Meuble de la Couronne. Ce palais à l’architecture classique et théâtrale est aménagé de façon à répondre au mieux aux différentes tâches de l’administration en charge de l’entretien et de l’approvisionnement du mobilier des résidences royales. Il est par ailleurs chargé de la conservation et de la présentation des collections d’armes, d’étoffes, de vases en pierre dure, de bronzes et des diamants de la Couronne. À la fois boîte à bijoux et showroom, le lieu est évidemment réalisé avec les plus beaux matériaux, comme en témoignent ses somptueuses boiseries ciselées et dorées. Les intendants, les responsables de cette administration, n’ont d’ailleurs pas lésiné sur les moyens pour décorer leurs espaces de vie et de travail. Il suffit de baisser les yeux pour s’en convaincre en admirant l’époustouflant parquet qui recouvre le sol de l’antichambre et du cabinet de réception. Cette précieuse marqueterie d’essences exotiques a d’ailleurs causé un scandale retentissant qui a failli coûter son poste au premier intendant Pierre-Élisabeth de Fontanieu. Et encore, ses détracteurs ne se doutaient pas des dépenses engagées pour son appartement de fonction, ni du caractère licencieux de certains décors.
Le premier intendant était en effet un libertin, notoirement friand de la compagnie des jeunes et jolies danseuses de l’opéra. Il avait fait aménager une pièce dédiée aux plaisirs de la chair au décor explicite : le cabinet des glaces. Une alcôve tapissée de grands miroirs recouverts de motifs de fleurs, d’oiseaux et de femmes lestes. Ces donzelles ont été pudiquement recouvertes d’angelots à la demande de Madame de Ville-d’Avray, l’épouse du second intendant, quand le couple posa ses valises ici. Précieux aperçu du Paris libertin, ce vestige est exceptionnel et c’est un petit miracle qu’il nous soit parvenu intact.
Tout aussi miraculeux est l’état de conservation du salon d’angle de l’intendant. On reste bouche bée devant la fraîcheur et la qualité décorative de cette pièce. Ce lieu de convivialité où l’on conversait et jouait a en effet conservé son exubérante cheminée griotte et son admirable trumeau au décor dionysien. Un prodige quand on sait que ce salon s’est trouvé sous le feu de tirs nourris durant la Seconde Guerre mondiale, quand les troupes ennemies tiraient depuis ses fenêtres sur les forces de la Libération. Au-delà de la délectation patrimoniale, parcourir ce vaste monument, c’est se laisser happer par le vertige de l’histoire, tant ses vénérables pierres ont été la toile de fond d’importants épisodes de la destinée de la France. C’est en effet depuis la loggia de l’hôtel de la Marine, cet exceptionnel balcon sur Paris, que Victor Schœlcher proclama l’abolition de l’esclavage en 1848.
Tandis que les salons semblent encore résonner des virevoltants bals donnés sous le second Empire, l’évocation de l’appartement de Madame de Ville-d’Avray convoque en revanche une période sombre. En pleine Révolution, cette dernière ne supportant plus de voir défiler ses connaissances sur la guillotine, installée pile en face de son lit, a investi des espaces moins confortables mais plus sécurisants à l’entresol. Enfin, le monument garde aussi le souvenir du plus célèbre casse de l’histoire de France : le vol des joyaux de la Couronne. Fermé pendant la Terreur, le musée a constitué un extraordinaire terrain de chasse pour la quarantaine de malfrats qui s’y sont introduits en septembre 1792. Le stigmate du volet brisé lors de l’effraction atteste encore de ce cambriolage. Cette anecdote et les nombreuses strates historiques de ce monument hors du commun sont à découvrir dès ce printemps à l’occasion de son ouverture, au terme d’un chantier titanesque mené de main de maître par le Centre des monuments nationaux.
Bientôt un musée pour les maths à Paris
Les enquêtes le confirment : les Français sont fâchés avec les maths ! Pour réconcilier les scolaires autant que le grand public avec cette discipline, l’Institut Henri Poincaré a imaginé un lieu unique en son genre consacré à la démocratisation des mathématiques, à travers un parcours permanent et des expositions temporaires. Ces présentations permettront de découvrir l’histoire de cette science à travers les civilisations, mais aussi de se familiariser avec la démarche et les enjeux des chercheurs contemporains. Des dispositifs de médiation vivants et interactifs permettront également de mieux appréhender l’influence des mathématiques sur notre société et leur impact concret sur notre quotidien. Objectif revendiqué de la Maison Poincaré : partager avec le plus grand nombre le plaisir de faire des mathématiques et faire découvrir un patrimoine méconnu. Cet équipement se déploie en effet dans l’ancien laboratoire du physicien Jean Perrin, un bel édifice construit en 1926, l’année de son prix Nobel. À l’occasion de sa transformation, il bénéficie d’une campagne de réhabilitation et de restauration magnifiant ses espaces historiques préservés, dont son amphithéâtre.
La Maison Poincaré, 11, rue Pierre-et-Marie-Curie, Paris-5e, maison-des-maths.paris
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L’hôtel de la Marine se dévoile enfin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°743 du 1 avril 2021, avec le titre suivant : L’hôtel de la Marine se dévoile enfin