Le « musée des goûts » rouvre après dix années de fermeture et se veut le reflet d’une certaine idée de l’art de vivre à la française.
PARIS - Alors que la foule se pressait vers l’aile Marsan le 13 septembre pour l’inauguration du Musée des arts décoratifs, il régnait un léger cafouillage dans la gestion des flux, la faute à une signalétique quasiment inexistante. Même muni d’un plan, le plus appliqué des visiteurs perdait un peu son latin à vouloir suivre scrupuleusement le parcours chronologique. Les plus dilettantes, papillonnant au hasard des salles et des 6 000 objets exposés, étaient sûrement dans le vrai. Conscientes du problème – et de l’absence de nombreux cartels –, Sophie Durrleman, directrice générale, et Béatrice Salmon, directrice des musées des Arts décoratifs (lire le JdA no 242, 8 septembre 2006, p. 4), le duo de tête de l’établissement, se voulaient rassurantes. « Tout sera réglé dans les prochains jours, précisait Béatrice Salmon. Mais il faut bien reconnaître que l’architecture du bâtiment ne nous a pas facilité la tâche en termes de parcours. » Complexe, l’architecture des lieux l’est sans aucun doute, mais elle joue aussi un rôle décisif dans la réussite du musée. La grande nef centrale, qui sera dévolue aux expositions temporaires et dont les verrières ont été rouvertes par l’architecte Daniel Kahane, procure désormais au musée une généreuse lumière naturelle et autorise les jeux de transparence entre les salles. La scénographie, discrètement innovante, adopte une juste sobriété – hormis pour certaines vitrines de la galerie d’étude – qui permet d’harmoniser les interventions des quatre équipes distinctes.
Publics nouveaux
Ces « détails » mis à part, l’essentiel, c’est-à-dire le propos du musée – qui, lui, ne pourra pas être amendé de sitôt –, est une vraie réussite. L’ampleur et l’éclectisme des collections rendaient pourtant le défi ambitieux. Un habile parcours mêlant la chronologie et les approches thématiques permet ainsi de balayer la longue histoire de l’évolution de la notion d’objet d’art vers les arts décoratifs puis le design, de l’objet sacré vers l’utile. Le design, dont les collections contemporaines sont peut-être moins convaincantes, est appréhendé dans le pavillon Marsan, traité en espace piranésien ascendant vers une pyramide finale constituée d’une anthologie de sièges. L’ensemble de la visite est ponctué par des period rooms – des intérieurs cohérents restitués –, qui procurent de véritables respirations tout en s’ancrant dans la pure tradition des musées d’arts décoratifs. Deux incises thématiques rappellent toutefois les contraintes de cette collection née et enrichie essentiellement grâce à de généreux donateurs. Ainsi de la galerie Jean-Dubuffet, constituée des œuvres offertes par l’artiste en 1967, mais aussi de la galerie des jouets, dont le musée possède l’une des plus importantes collections au monde, qui laisse pourtant plus dubitatif. La galerie d’étude, dont la présentation sera renouvelée régulièrement, permet enfin d’introduire des approches typologiques, techniques, fonctionnelles ou sociologiques croisant les objets dans le temps. L’objectif affiché du musée, attirer des publics nouveaux, et non les seuls spécialistes comme c’était le cas auparavant, sera donc probablement atteint grâce à cette variété des dispositifs. Et en ce jour d’inauguration, les Américains s’exclamaient déjà « It’s so french ! ». Si le Victoria & Albert Museum à Londres est devenu le temple des arts décoratifs anglais, nul doute que l’aile Marsan du Louvre soit désormais la plus séduisante des vitrines du bon goût français.
107, rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. 01 44 55 57 50, tlj sf lundi 11h-18h, samedi et dimanche 10h-18h, le jeudi jusqu’à 21h, www.lesartsdecoratifs.fr Parutions : Guide du musée, éd. Les Arts décoratifs, 224 p., 17 euros, ISBN 2-901422-85-3. Chefs-d’œuvre du Musée des arts décoratifs, éd. Les Arts décoratifs, 224 p., 39 euros, ISBN 2-901422-86-1.
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Levée de rideau sur le Musée des arts décoratifs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°243 du 22 septembre 2006, avec le titre suivant : Levée de rideau sur le Musée des arts décoratifs