Pourtant retoqué en février par le Conseil constitutionnel, le projet visant à supprimer l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France dans les zones de protection du patrimoine a refait surface par le biais de la loi dite « Grenelle I ». L’Assemblée nationale s’est de nouveau prononcée en faveur de la suppression de cette disposition sans susciter de réaction de la part de la Rue de Valois.
PARIS - Après avoir été retoqué par le Conseil constitutionnel le 12 février, le projet de suppression de l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France (ABF) dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) fait l’objet d’une nouvelle bataille parlementaire (lire le JdA n°296, 6 février 2009, p. 36). Le 11 juin, sa suppression a été à nouveau votée à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen, en deuxième lecture, du projet de loi d’orientation sur les principes de développement durable, dit « Grenelle I ». Cette proposition a été réintroduite dans le texte le 19 mai par la commission des Affaires économiques. Deux amendements suspendant cette disposition, soutenus par des députés PS mais aussi UMP, dont Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, ont été rejetés. Ni la ministre de la Culture, ni le Premier ministre, qui a pourtant été alerté par huit associations du patrimoine, n’ont émis la moindre protestation. L’Association nationale des architectes des Bâtiments de France (ANABF), par la voix de son président, Frédéric Auclair, a décidé de ne pas abdiquer face à cet « acharnement par des voies législatives détournées au nom d’intérêt locaux ».
Des arguments simplistes
Dans une ZPPAUP, deux types d’avis sont délivrés par l’ABF pour toute demande d’autorisation de travaux : un avis simple, opposable, et un avis conforme, obligatoire à moins d’être contesté devant le préfet. L’argument de ses contempteurs est donc simple, voire simpliste : la ZPPAUP étant régie par un règlement, le maire peut se passer de l’avis conforme de l’ABF puisqu’il lui suffit de se conformer au règlement pour le délivrer. Or « le règlement n’est pas un mode d’emploi », précise un ABF, qui rappelle qu’il est nécessaire d’avoir des compétences d’architecte pour être à même d’interpréter ce type de document. « Les élus qui pratiquent la ZPPAUP sont d’ailleurs les plus favorables à l’avis conforme car ils savent que ce retrait d’expertise les exposera davantage. » Nombreux sont en effet les maires à admettre qu’il est plus facile de se réfugier derrière l’avis d’un ABF que de refuser le projet d’un investisseur. « À quoi servira-t-il de créer une ZPPAUP, coûteuse dans sa mise en œuvre, si l’élu ne bénéficie plus de l’expertise de l’État ? », note Frédéric Auclair, qui dénonce un procès à charge contre sa profession animé par « des fonctionnaires de terrain qui ont encore des convictions ».
Techniquement, la suppression de l’avis conforme suscite également un certain nombre d’interrogations. Dans une ZPPAUP, l’application du règlement est suspensive de la protection des abords des monuments historiques protégés – le périmètre de 500 mètres. Faut-il donc voir là un préalable à la suppression des avis conformes aux abords de tous les monuments historiques protégés ? Par ailleurs, la défiscalisation dite Malraux est conditionnée par la délivrance d’un avis conforme. Or Bercy a indiqué que ses services refuseront de s’appuyer sur des avis simples. À terme, ce dispositif – qui a permis la réhabilitation de nombreux centres anciens – sera-
t-il une nouvelle fois remis en cause ? Frédéric Auclair s’interroge donc : « Le patrimoine de la France est-il encore un enjeu national ? » Le texte voté par les députés sera rapidement présenté au Sénat. Il figure également dans le projet dit « Grenelle II », débattu à l’automne prochain au Parlement. La bataille est loin d’être achevée.
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L’étau se resserre autour du patrimoine
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°306 du 26 juin 2009, avec le titre suivant : L’étau se resserre autour du patrimoine