Les deux statues colossales de Bouddha dans la vallée de Bamyan sont menacées par l’avancée des troupes talibans qui contrôlent déjà les trois-quarts de l’Afghanistan. Du front, le commandant Abdul Wahid a déclaré qu’il ferait sauter ces sculptures vieilles de 1 600 ans si jamais ses hommes réussissaient à s’introduire dans la zone contrôlée par la coalition anti-talibans, ce qui pourrait être le cas après l’offensive lancée le 20 mai.
KABOUL. "Notre religion est d’ordre divin et nous n’avons pas besoin de ces choses : nous les ferons sauter". Alors qu’il se trouvait dans la vallée de Ghorband, à dix kilomètres de la ligne de front, le commandant Wahid affirmait au mois d’avril qu’il était prêt à détruire les deux statues de Bouddha de la vallée de Bamyan sous prétexte qu’elles font référence à une autre religion que l’islam. Ces deux Bouddhas monumentaux – de 55 et 38 mètres de haut – ont été sculptés aux Ve et VIe siècles dans une falaise de grès, non loin de l’antique Route de la soie. Ils font partie du site archéologique le plus impressionnant d’Afghanistan, qui comprend plusieurs falaises truffées de cellules monastiques dont un grand nombre sont ornées de fresques. Les visages des deux Bouddhas ont été sérieusement abîmés au XIe siècle après que la région eut été convertie à l’islam, puis par l’empereur moghol iconoclaste Aurengzeb au XVIIe siècle. Pendant l’occupation soviétique, une roquette lancée par les troupes musulmanes s’est même fichée dans la poitrine du plus grand des deux. "Les cellules monastiques ont servi d’abri aux moudjahidin, les collines environnantes sont minées, et la grotte située au pied du grand Bouddha sert de réserve de lance-roquettes et de munitions", affirme Carla Grissmann qui, jusqu’à récemment, représentait à Kaboul l’Association pour la préservation de l’héritage culturel afghan. La vallée de Bamyan se trouve à environ deux cents kilomètres à l’Ouest de Kaboul, au-delà du col stratégique de Shibar, dans une région que les talibans tentent de reprendre aux mains du parti chiite Hezb-e-Wahdat. Le porte-parole de ce dernier, Hodem Hussein Notaki Shasoyi, a condamné les intentions du commandant Wahid : "Le Coran exige que l’on respecte les autres religions. Comment les talibans peuvent-ils prétendre être de bons musulmans ?" Le secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, a déclaré "être profondément perturbé" par ces menaces, et la réprobation internationale semble avoir eu un impact positif. Après avoir déclaré "qu’aucune décision n’avait été prise à propos des statues bouddhistes", le ministre taliban de l’Information et de la Culture, Amir Khan Muttaqi, a promis que les Bouddhas de la vallée de Bamyan seraient épargnés. Personne ne peut dire pourtant si les troupes en marche obéiront aux ordres du gouvernement…
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Les talibans menacent les Bouddhas de Bamyan
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°39 du 30 mai 1997, avec le titre suivant : Les talibans menacent les Bouddhas de Bamyan