Grâce aux fouilles de sauvetage réalisées à Jerf-el-Ahmar, en Syrie, des informations de première importance ont été récoltées par la mission franco-syrienne sur le processus de néolithisation au Moyen-Orient. Par ailleurs, les archéologues ont découvert de mystérieux pictogrammes, sur l’interprétation desquels ils restent prudents.
ALEP - Les fouilles archéologiques menées sur le site syrien de Jerf-el-Ahmar, dans le cadre d’une opération de sauvetage, arrivent à leur terme. Une dernière campagne se déroulera en mai-juin, avant que les flots ne submergent les vestiges lors de la mise en eau du barrage du Tichrine qui doit débuter en octobre pour s’achever dans trois ans. Occupé de la fin du Xe au IXe millénaire av. J.-C., ce site néolithique, situé au nord-ouest d’Alep, non loin de la frontière turque, “est menacé dès l’hiver prochain, car il est situé assez bas. Sa disparition me rend triste, c’est un site majeur, spectaculaire”, déclare la directrice de la mission archéologique franco-syrienne, Danielle Stordeur, du Centre national de la recherche scientifique. “La grande découverte de la campagne de 1998 a été le dégagement d’un bâtiment communautaire, une construction ronde et enterrée de grandes dimensions destinée à un usage collectif et au stockage, explique-t-elle. Pour la campagne de 1999, nous allons fouiller deux autres maisons collectives que nous avons déjà repérées.”
Depuis les premières fouilles, en 1995, la mission franco-syrienne a récolté des informations de première importance pour la compréhension du processus, dit de néolithisation, qui a conduit les groupes préhistoriques de chasseurs-cueilleurs à se sédentariser en villages, puis à maîtriser leur environnement par la domestication des plantes et des animaux. Une trentaine de maisons entières dans dix niveaux de villages ont été mises au jour, permettant d’analyser le passage historique des premières constructions rondes à la maison rectangulaire. Autre découverte marquante, une maison incendiée a livré des restes d’orge calcinés et des boulettes de nourriture contenant notamment des céréales. Il s’agit des plus anciens témoignages néolithiques de préparation alimentaire. Les habitants de Jerf-el-Ahmar se nourrissaient de céréales (orge, engrain – une variété de blé) et de légumineuses (lentilles). Il semble qu’ils aient commencé à cultiver au moins une partie de leurs ressources végétales. À l’époque, le climat était plus humide et plus frais qu’aujourd’hui, et la végétation correspondait à une steppe humide plus ou moins arborée. L’étude des restes d’animaux a montré que la chasse portait essentiellement sur les gazelles, les équidés sauvages (ânes et hémiones) et les aurochs.
Pièges à idées
Plusieurs autres maisons incendiées, immédiatement effondrées, ont permis de reconstituer les architectures dans leur totalité. L’une d’entre elles a révélé, tel un instantané, l’image des activités qui s’y déroulaient au moment d’un départ précipité : meules, bassins, plats en pierre polie. Par ailleurs, la mission a découvert en 1996 des plaquettes gravées de signes schématiques, pictogrammes évoquant des messages datant de plusieurs millénaires avant l’invention de l’écriture. Surnommées “pièges à idées” par les archéologues, elles ont pu tenir le rôle d’aide-mémoire faisant allusion à des récits, peut-être de caractère mythique ou initiatique. “Je reste très prudente sur la signification de cette découverte. Nous n’en avons pas trouvé d’autres lors des campagnes suivantes, et nous n’avons pas beaucoup avancé dans l’étude de ces pierres”, conclut Danielle Stordeur.
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Les premiers paysans de Syrie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°81 du 16 avril 1999, avec le titre suivant : Les premiers paysans de Syrie