REDU / BELGIQUE
Le Musée didactique d’art de Redu est un nouveau lieu qui aborde l’histoire de l’art sur un ton distrayant à grand renfort de dispositifs interactifs.
Redu. Le 10 septembre le village de Redu dans les Ardennes belges a inauguré un lieu au positionnement singulier, pour ne pas dire iconoclaste. Le Mudia, acronyme de Musée didactique d’art, entend en effet révolutionner le rapport à l’œuvre d’art et à l’institution muséale en développant une approche décomplexée et ludique. Si cette démarche est déjà à l’œuvre dans certains musées scientifiques, sa transposition au domaine des beaux-arts est en revanche inédite. Cette association sans but lucratif, dont le slogan est « L’art autrement », ne se présente d’ailleurs pas comme un musée, mais comme une attraction. « Pour le grand public, peu habitué des musées, ces lieux sont souvent synonymes de sérieux et d’ennui ; ici on veut le mettre d’emblée à l’aise en lui expliquant que tout est fait pour s’amuser », avance son fondateur Éric Noulet.
Ce collectionneur belge, qui a fait carrière dans le marketing, a visité une foule de musées et forgé la certitude qu’il fallait développer une nouvelle approche, notamment à destination des familles. « Hormis une poignée de sites incontournables, le public familial ne fréquente pas les musées. Certains responsables d’institutions font le constat que les présentations conventionnelles ne correspondent pas aux attentes de ce public, mais il est très difficile pour eux de faire bouger les choses, car le milieu des musées est conservateur et élitiste. Pour démocratiser vraiment l’accès à l’art il faut repenser la manière de présenter les œuvres, c’est pourquoi nous avons fait le pari de ce concept inédit. » Pour séduire les réfractaires, l’amateur a donc mis à profit sa propre collection, mais aussi sollicité des dons et des prêts de longue durée. Au total, l’établissement rassemble trois cents œuvres, de la fin du Moyen Âge à l’art contemporain ; de Van der Weyden à Geluck en passant par Véronèse, Nicolas Tournier, Gentileschi ou encore Daumier et Kandinsky. Si toutes les pièces exposées ne sont pas des chefs-d’œuvre, le parcours, déployé sur mille mètres carrés, a l’avantage de brosser un panorama représentatif des principaux mouvements ; un bréviaire de l’histoire de l’art en somme.
« C’est en quelque sorte l’histoire de l’art pour les nuls », revendique même Xavier Wielemans, développeur des dispositifs interactifs. « Nous avons la même philosophie que la série de livres à succès : une approche décontractée et vraiment accessible à tous. Il y a beaucoup trop de gens qui sont intimidés par le fait d’aller au musée, ils pensent que ce n’est pas un lieu pour eux, car ils n’en possèdent pas les codes. Nous proposons de leur donner les clefs de lecture tout en leur promettant qu’ils vont passer un moment agréable et divertissant. » Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Mudia détonne dans l’univers feutré des musées, où l’on est d’ordinaire sommé de contempler des œuvres sagement, le petit doigt sur la couture du pantalon. Ici l’accent est au contraire mis sur le jeu, l’émotion, l’humour et l’expérience.
Première rupture notable, le site ne baigne pas dans le silence. On y entend une musique d’ambiance, diffusée afin de plonger le public dans l’esprit des différentes époques évoquées, mais également le bruit généré par des animations. Car la vraie différence avec les musées traditionnels, c’est la place prépondérante accordée aux animations qui interpellent le visiteur et sollicitent ses différents sens. « Les œuvres sont en effet accompagnées d’une série de dispositifs qui sont là pour aider à se familiariser avec l’art en l’appréhendant d’une manière totalement nouvelle, qui n’est pas uniquement de l’ordre de la contemplation, mais propose au contraire des interactions de nature variée avec les œuvres », explique Karlin Berghmans, la directrice du Mudia. Ces dispositifs frappent ainsi par leur omniprésence et leur diversité, évitant l’écueil du tout numérique.
Si les écrans sont présents en nombre, la médiation ne repose toutefois pas seulement sur cet outil. Le circuit est ainsi émaillé de quiz, d’anecdotes, mais aussi, plus surprenant, de machines à sous dévoilant les records de ventes aux enchères, ainsi que de nombreux dispositifs à manipuler et d’activités participatives mettant le visiteur en position active. Dans l’espace consacré au néoclassicisme, le public doit par exemple escalader une grande échelle pour pouvoir découvrir un petit tableau accroché en hauteur, tandis que dans la salle des Fauves il doit reproduire les pauses d’un modèle pour activer un tableau animé. Quelques reproductions, clairement identifiées, servent par ailleurs de support à des animations. Le visiteur est ainsi invité à chausser une paire de jumelles pour observer un dessin érotique de Schiele, ou à ouvrir un rideau imitant la présentation initiale de L’origine du Monde.
Si certaines de ces installations ne brillent pas par leur bon goût – mention spéciale pour le montage glauque autour du Marat assassiné–, on ne peut en revanche douter qu’elles vont remplir leur objectif premier : piquer la curiosité du public. Et avec un peu de chance, susciter de l’intérêt pour l’art.
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Les Belges osent le musée pour les nuls
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°508 du 5 octobre 2018, avec le titre suivant : Les Belges osent le musée pour les nuls