MUNICH / ALLEMAGNE
Le Musée (privé) d’art contemporain et urbain de Munich est l’un des premiers musées européens totalement consacré au street art.
Munich. Le bruit de la scie sauteuse qui découpe les dernières portes et les linteaux de bois récupérés ici ou là par l’artiste est assourdissant. Ces panneaux serviront de supports aux dessins en linogravure que Swoon a croqués lors de ses multiples voyages en Europe, à Cuba et au Mexique. Pour la trouver, il faut monter trois étages dans un ancien bunker de la Seconde Guerre mondiale. Couverte de peinture, elle donne un peu de couleur aux murs en béton qui abriteront plusieurs de ses œuvres. Cette New-Yorkaise vient tout juste d’arriver à Munich. À Paris, la deuxième étape de l’exposition itinérante qui retrace sa carrière a été un franc succès sur la péniche-restaurant Fluctuart. Ces pièces proviennent de la première rétrospective de Swoon, « The Canyon: 1999-2017 », qui fut présentée, en 2017, au CAC (Contemporary Arts Center) de Cincinnati.
Caledonia Dance Curry, de son vrai nom, aime voir ses installations passer d’un pays à l’autre. Et elle n’a pas hésité à confier ses œuvres au Musée d’art contemporain et urbain (Muca) de la capitale bavaroise qui les présentera jusqu’au 3 mai. « Christian [Utz, le fondateur de cet établissement], que j’ai rencontré pour la première fois en 2014, m’a beaucoup aidé pour rendre possible cette exposition itinérante. Il était donc normal qu’elle vienne ici. Et puis, je ne connais aucun musée de ce type dans le monde, nous explique l’artiste, née en 1977, dans le Connecticut. Il est à la fois grand et compact. Il est plus difficile pour un street-artiste de travailler dans un bâtiment, car nous devons créer le contexte dans lequel nos œuvres peuvent être présentées, alors qu’à l’extérieur, c’est la rue qui nous pousse à imaginer telle ou telle pièce. » Enfermer entre quatre murs des créations qui, par définition, ont été faites à l’air libre peut sembler étrange.
« Nous voulions amener dans la ville que nous aimons et dont nous sommes originaires, avec mon mari, les œuvres que nous aimons », résume Stefanie Utz. Inauguré en 2016, le Muca se trouve dans une ancienne centrale électrique en plein cœur de Munich que la ville loue aux époux Utz. Cet espace de 2 000 m2, réparti sur deux niveaux, a trouvé son public avec le temps. Une gageure en Allemagne. « L’art urbain est assez nouveau dans ce pays et il n’est pas aussi développé que dans le monde anglo-saxon, reconnaît la co-fondatrice de ce musée privé. La pensée classique favorise les styles assez formels. Beaucoup de personnes comparent ainsi toujours le street artà du vandalisme. Ils ne veulent pas que leurs impôts servent à nettoyer les rues après que des œuvres ont été laissées là sans aucune autorisation. » Ouvrir un musée dans lequel des créations peuvent être présentées en toute « légalité » ne manque donc pas de logique.
Le Muca attire aujourd’hui 60 % d’étrangers et 40 % d’Allemands. Des visites sont organisées dans plusieurs langues dont le français. « Notre public est très varié, mais je suis souvent étonnée de constater à quel point les personnes qui viennent nous voir s’intéressent au street art. Beaucoup ont même des connaissances poussées. » Lors de « la longue nuit des musées munichois » durant laquelle les amateurs de culture ont pu visiter, le 19 octobre, quatre-vingt-dix établissements en payant un ticket unique de quinze euros, près de 4 000 curieux se sont rendus au Muca. Fort de ce succès, les époux Utz sont bien décidés à aller plus loin.
Pendant quatre mois, ces entrepreneurs ont transformé un espace de 5 000 m2 dans le quartier de Laim, qui allait être détruit pour laisser place à un projet immobilier, en un laboratoire dans lequel des artistes pouvaient créer en toute liberté. L’année prochaine, un ancien centre de soin de 9 000 m2 fermé depuis cinq ans sera, lui aussi, converti en un lieu principalement consacré à l’art urbain. « Des ateliers occuperont deux étages et les deux autres niveaux abriteront des expositions et des restaurants », explique Stefanie Utz. Le Muca va pouvoir occuper ce complexe pendant cinq ans, car le bâtiment sera ensuite détruit pour être remplacé par un nouvel immeuble administratif. Mais soixante mois est une véritable éternité pour un art éphémère qui ne reste jamais bien longtemps dans les rues des métropoles.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le Muca de Munich a trouvé son public
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°534 du 29 novembre 2019, avec le titre suivant : Le Muca de Munich a trouvé son public