RIO DE JANEIRO (BRESIL) [13.11.13] - La présidence brésilienne a publié un décret controversé, en ce qu’il touche les collections privées et limiterait la circulation des œuvres dites « à caractère culturel exceptionnel ».
Depuis le 18 octobre, un décret signé par Dilma Roussef définit les nouvelles attributions de l’Institut brésilien des Musées (Ibram). Dans ce texte qui modifie le statut du musée datant de 2009, il s’agit autant de gouvernance et de modernisation que d’une prise de position polémique sur les collections publiques et privées, avec des incidences constitutionnelles sur le droit de suite et les droits d’auteur. Tour d’horizon des changements et des craintes exprimées.
Modernisation, d’abord : le ministre de la Culture ne nommera plus directement les directeurs des « musées nationaux », qui devront s’être portés candidats publiquement et avoir été choisis par un jury. Les musées affiliés, au nombre de trente, voient leur appellation attribuée avec une plus grande parcimonie. L’Ibram crée enfin l’outil d’inventaire que les professionnels attendent depuis longtemps et qui devrait recenser plus d’un million d’œuvres au sein des quelque 3000 musées identifiés au Brésil.
S’ensuit que l’Ibram va contrôler et inventorier les collections existantes afin de déterminer les œuvres « dont la protection et la valorisation, la possibilité de recherche et l’accès par la société représentent une valeur exceptionnelle pour le pays, eu égard aux impératifs de diversité culturelle, régionale, ethnique et linguistique ». Le problème n’est pas tant dans la définition des chefs-d’œuvre nationaux, que dans la possibilité donnée à l’institution de contrôler les collections et les musées privés. Eliana Finkelstein, présidente de l’Association des galeries brésiliennes d’art contemporain (ABACT), parle « d’entraves à l’art brésilien » et s’inquiète pour « la circulation des œuvres ». En effet, l’Ibram, selon le texte, « devra avoir donné son aval avant toute vente ou prêt à l’étranger » d’une œuvre identifiée comme telle. Pedro Mastrobuono, avocat et collectionneur également cité par le journal A Folha de Sao Paulo, estime que « le décret crée d’importantes limites au droit de la propriété, ce qui est inconstitutionnel et risque de tuer le mécénat. »
Ângelo Oswaldo, directeur de l’Ibram, ne semble pas rassurer les professionnels : « le Conseil du Patrimoine, créé à la faveur dudit décret, ne décernera cette mention qu’après une étude longue et dans un objectif de protection, pas d’expropriation ». Techniquement, la mention de « valeur exceptionnelle » ouvre également droit à des dispositions importantes et non remises en question : une nécessaire restauration pourra être financée par l’Ibram. Ensuite, l’Ibram peut faire valoir, lors de toute vente aux enchères, un droit de préemption pour garder lesdites œuvres sur le sol national. Mais le pouvoir du Conseil sort désormais de la salle des ventes, puisque l’Ibram peut contrôler, à tout moment, une œuvre sur son lieu d’exposition – c’est-à-dire théoriquement au domicile des collectionneurs. Cette intrusion dans la sphère privée devra être tranchée constitutionnellement, quand le premier litige ne manquera pas d’arriver. Enfin, l’Ibram souhaite autoriser les musées à tirer profit des droits d’image des œuvres qu’ils possèdent. Là encore, un problème constitutionnel se posera, en ce que les artistes et leurs héritiers sont jusqu’ici les seuls récipiendaires des droits d’auteurs liés aux œuvres. Martin Grossmann, professeur à l’Université de Sao Paulo et créateur du Forum permanent des musées d’art, concilie en même temps qu’il avertit : « l’usage devra rapidement confirmer la bonne volonté du gouvernement, pour éviter que la loi ne prenne une tournure idéologique et autoritaire. »
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Le Brésil veut retenir ses chefs-d’œuvre
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