Les trésors archéologiques mis au jour dans le Sinaï par les Israéliens au cours des vingt-cinq dernières années sont exposés pour la première fois au Musée d’Israël. À la fin de l’année, l’ensemble sera remis à l’Égypte. L’exposition présente les témoignages des premières sociétés nomades et une des premières inscriptions en écriture alphabétique.
JÉRUSALEM - La restitution est envisagée avec sérénité en Israël : "Pour préserver la paix, nous sommes tout disposés à les rendre à l’Égypte", affirme Sylvia Rosenberg, l’un des commissaires de l’exposition.
Les Israéliens ont découvert au Sinaï quelque 1 300 sites archéologiques : des villes entières enfouies sous le sable, et quantité d’objets, remarquablement conservés grâce au climat sec. Ces objets représentent 6 000 ans de civilisation.
Parmi les milliers d’objets, le Musée d’Israël a sélectionné les plus représentatifs de chaque époque et les a disposés dans un décor évoquant le désert.
Les visiteurs pénètrent dans un "nawami" reconstitué – l’un des tumulus construit, voici 5 000 ans, par la première société nomade connue dans le sud du Sinaï, avec des pierres plates, sans mortier, à l’intérieur desquels le réceptacle mortuaire était recouvert d’une grande dalle. Selon une pratique courante chez les peuples nomades, les morts étaient enterrés rapidement, puis on revenait les chercher plus tard, et on les déposait dans les nawamis. Les bijoux, signes de richesse, tenaient une place importante ; aussi les colliers de coquillage, de faïence, de nacre ou d’œufs d’autruche créés par les tribus nomades de la haute Antiquité comptent-ils parmi les plus belles créations de l’exposition.
Seize mines de turquoise
À Serabit el-Khadem (les colonnes de l’esclave), au sud du Sinaï, les Israéliens ont découvert seize mines de turquoise, exploitées par les Égyptiens entre 2 000 et 1 200 av. J.C. Les moules utilisés dans les mines pour couler les outils de bronze, et un rarissime fragment de grès portant l’inscription "El" – l’un des noms de Dieu –, sont exposés. Écrit en proto-sinaïque, une écriture qui marque l’une des premières utilisations de caractères alphabétiques, ce fragment indique que les ouvriers des mines étaient sémites. Par contre, leurs employeurs se servaient encore de hiéroglyphes.
Des fouilles effectuées le long de la bande côtière, à l’ouest, ont révélé l’existence d’un réseau complexe de places fortes et de silos, où l’on pouvait stocker quarante tonnes de grain. L’ensemble avait été édifié par les Égyptiens, afin de protéger la principale voie terrestre reliant l’Égypte à la terre de Canaan et à la Syrie. Des peintures murales égyptiennes, des impressions sigillées et des récipients en céramique portant le cartouche de divers pharaons illustrent cette période.
De la ville grecque de Magdolum (500 av. J.-C.), découverte dans le nord du Sinaï, proviennent des rares masques mortuaires en or peint, et des stèles funéraires présentant des éléments funéraires égyptiens et des motifs grecs et cypriotes.
De Qasrawet, ville nabatéenne occupée jusqu’à la fin de l’époque romaine, retrouvée enfouie sous les sables, les objets de fouilles les plus remarquables sont des pots et des poêles trouvés encore en place sur les fours, et des lampes à huile, ornées de symboles hébreux, chrétiens et païens.
Aucun des objets retrouvés n’évoque l’exode des Israélites, l’événement le plus marquant de l’histoire du Sinaï. L’archéologue Avner Goren l’explique ainsi : "Seuls les hommes qui disposaient de ressources, des Égyptiens au Romains, ont pu laisser une trace permanente de leur passage dans le Sinaï."
L’exposition "Trésors archéologiques" montre que le Sinaï n’est pas un désert de sable séparant deux civilisations, mais que pendant des siècles il a joué un rôle culturel et commercial important, reliant l’Égypte et les tribus d’Israël. C’est dans le respect de cette tradition que s’inscrit la restitution des objets de fouilles du Sinaï à l’Égypte.
Jérusalem, Israël Museum, "Trésors archéologiques du Sinaï", jusqu’au 28 septembre.
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L’archéologie facteur de paix au Proche-Orient
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°6 du 1 septembre 1994, avec le titre suivant : L’archéologie facteur de paix au Proche-Orient