Unesco

PATRIMOINE MONDIAL

La liste du Patrimoine mondial 2024 oscille entre équilibres géopolitiques et préoccupations écologiques

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 4 septembre 2024 - 672 mots

La 46e session qui s’est tenue en Inde, à New Delhi, a inscrit 24 nouveaux sites, dont les Îles Marquises pour la France.

New Delhi (Inde). En juillet dernier, le Comité du patrimoine mondial a inscrit 24 nouveaux sites sur la liste et deux extensions de sites déjà inscrits, ce qui amène à un total de 1 223 sites inscrits au patrimoine mondial. Comme les sessions précédentes, la 46e a cherché un équilibre entre les nécessités de reconnaître le patrimoine remarquable, la protection contre le réchauffement climatique et les tensions internationales. Ainsi, l’hôte cette année, l’Inde, compte 43 sites inscrits mais ferme les yeux sur les atteintes au patrimoine islamique depuis l’avènement de Narendra Modi. Côté postulants, la Chine fait preuve ces dernières années d’une hyper activité pour obtenir l’inscription de ses sites, et 2024 voit l’inscription de deux sites et l’extension d’un troisième : l’Axe central de Pékin (témoignage de l’urbanisme des XIIIe et XIVe siècles), le désert de Badain Jaran (site naturel), et le sanctuaire pour oiseaux migrateurs du littoral de la mer Jaune (site naturel bénéficiant d’une extension de l’inscription sur la liste). C’est le pays le plus représenté dans la liste de 2024, notamment pour les sites naturels.

L’Afrique est enfin mieux considérée

Longtemps accusé de délaisser le continent africain, le Comité du patrimoine mondial semble vouloir rétablir l’équilibre en inscrivant, cette année, plusieurs sites africains remarquables. La ville historique de Gedi au Kenya entre dans la liste, en raison de son « architecture swahili » typique (Xe au XVIIe siècles), vestige de son rôle central dans les routes commerciales de l’est du continent africain. En Éthiopie, c’est l’ensemble des sites préhistoriques de Melka Kunture et Balchit qui a été inscrit : parmi les éléments remarquables se trouvent « des empreintes humaines» et « des fossiles d’Homo erectus et d’autres hominidés » ainsi que des traces d’occupation remontant à près de deux millions d’années. Un site préhistorique de moindre importance a également été inscrit en Afrique du Sud. Enfin, le Burkina Faso obtient l’inscription de la Cour royale de Tiébélé (XVIe siècle), un ensemble architectural en pisé aux murs décorés de peintures exceptionnelles ; mais la situation politique confuse au Burkina Faso ne garantit pas la protection du site malgré son inscription.

L’Europe et le Proche-Orient, qui comptent le plus de sites inscrits jusqu’à aujourd’hui, voient plusieurs nouvelles inscriptions, et la Roumanie se distingue spécifiquement. En effet, deux sites roumains entrent sur la liste, le limes de Dacie et l’ensemble monumental Brâncusi de Târgu Jiu. Le premier témoigne de l’extension maximale de l’Empire romain au-delà du Danube (106 à 271 apr. J.-C.) avec un ensemble de fortins et de tours de guet qui matérialisent la frontière (limes en latin désigne une frontière fortifiée. Selon le Comité du patrimoine mondial, ce site constitue « la frontière la plus complexe de l’Empire romain », grâce à ce réseau fortifié. Le site de Târgu Jiu est inscrit car il héberge le monument créé par Brâncusi en hommage aux morts de 1914-1918, avec trois sculptures et une table d’orientation (1937). En Italie, la célèbre Via Appia entre enfin sur la liste, grâce à son ensemble de bâtiments (bains publics) et de monuments (fontaines, aqueducs) disséminés le long de la chaussée pavée (datant de 312 av. J.-C. au milieu du IVe siècle apr. J.-C.). En Allemagne, le Comité a distingué la résidence du lac Schwerin, constituée de 38 éléments architecturaux (château, résidences néoclassiques et baroques) et naturels (jardins paysagers, canaux) datant du XIXe siècle (le grand-duché de Mecklembourg-Schwerin). L’extension d’inscription est par ailleurs accordée à plusieurs églises protestantes moraves (XVIIIe siècle) d’Allemagne. Côté français, les Îles Marquises sont inscrites en raison de leurs flores et faunes uniques en biodiversité. Au Proche-Orient, on note surtout l’inscription sur la liste des biens en danger du monastère de Saint Hilarion de Gaza, vestige exceptionnel de la vie monastique à partir du IVe siècle : si cette inscription témoigne de la préoccupation de l’Unesco pour le patrimoine de Gaza, elle ne protégera pas le site déjà endommagé par les bombardements israéliens [lire JdA n°628).

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°638 du 6 septembre 2024, avec le titre suivant : La liste du Patrimoine mondial 2024 oscille entre équilibres géopolitiques et préoccupations écologiques

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque