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ENTRETIEN

Jean Claude Gandur : « Je voudrais ouvrir le musée avant 2030 »

Collectionneur et mécène

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 25 octobre 2023 - 944 mots

L’homme d’affaires suisse doit prochainement choisir la ville qui accueillera son futur musée d’art.

Jean Claude Gandur. © G. Maillot / Point of views
Jean Claude Gandur.
© G. Maillot / Point of views

Après avoir fait fortune dans l’industrie pétrolière, Jean Claude Gandur (74 ans) a créé une fondation pour gérer et prêter des œuvres de sa collection d’art. Le partenariat avec le Musée d’art et d’histoire de Genève ayant échoué, il a décidé de construire un musée en France. À l’issue d’une première sélection, les villes de Bordeaux, Caen et Strasbourg sont en lice pour accueillir le musée.

Quand allez-vous annoncer la ville choisie pour abriter votre collection ?

Ce sera finalement en mars 2024. Les dossiers des trois villes retenues (Bordeaux, Caen et Strasbourg) sont tellement proches que je dois les départager avec un nouveau questionnaire. À cela s’ajoute le problème de l’acquisition du terrain, d’environ 25 000 m², sur lequel je vais construire le bâtiment de la fondation avec un grand parc. Je souhaite éliminer toute incertitude juridique avant d’officialiser le nom de la ville choisie.

Quel est le calendrier prévu ?

Je voudrais ouvrir le musée avant 2030. En amont, il faut régler tous les problèmes administratifs, rédiger le cahier des charges avec le programmiste, organiser un appel à candidatures pour trouver l’architecte, construire le bâtiment, l’aménager… Je voudrais faire appel à un jeune architecte, très sensibilisé aux enjeux écologiques. J’attache beaucoup d’importance à l’utilisation de matériaux naturels. Je cherche un bâtiment qui intégrera les innovations d’aujourd’hui et celles à venir.

Quel en sera le coût ?

Je ne sais pas encore. Cela va dépendre du site et de mon dialogue avec l’architecte, mais je pars du principe que cela ne coûtera pas moins de 50 millions d’euros. S’agissant du budget de fonctionnement, les premières projections tournent autour de 8 millions d’euros.

Comment allez-vous financer tout cela ?

Mes entreprises et moi-même allons faire des apports financiers à la fondation suisse – comme c’est le cas aujourd’hui –, qui va de son côté financer la fondation en France. À terme, la fondation suisse sera dotée d’un capital dont les revenus financeront le fonctionnement du « musée ».

À qui appartient votre collection ?

Pour l’instant à moi, à travers un trust qui la protège de tout démantèlement. À mon décès elle sera transférée à la fondation suisse. Elle est composée d’environ 3 700 œuvres d’art et elle grandit de 100 à 150 objets par an environ. Il y a de plus en plus de tableaux, ayant stoppé toute acquisition d’objets archéologiques en raison des problèmes de provenance. La collection beaux-arts a bénéficié d’un budget supplémentaire.

Que voulez-vous faire de ce musée ?

Ce ne sera pas seulement un musée, mais un lieu ouvert à tous, des enfants aux seniors, avec des activités pluridisciplinaires comme la danse, des résidences d’artistes, et de la médiation. J’accorde beaucoup d’importance à l’éducation. J’ai aussi créé une fondation pour aider à l’épanouissement et à l’intégration sociale des jeunes en difficulté, défavorisés, déracinés ou en situation de handicap. Je suis moi-même un migrant, certes un migrant de luxe, mais un migrant, j’ai dû quitter l’Égypte à l’âge de 13 ans. Nous exposerons par rotation ma collection et nous organiserons des expositions temporaires avec des prêts d’autres musées. Je préconise un nombre limité d’objets, autour de 300, et pas trop de salles, car j’ai bien conscience que la capacité d’attention des visiteurs décroît au fur et à mesure de la visite.

Vous aviez initialement prévu de donner votre collection au Musée d’art et d’histoire de Genève, avant le rejet du projet de l’architecte Jean Nouvel. Pas de regret ?

Non pas du tout. Je me suis greffé sur le projet Nouvel, qui n’était pas le mien. Les Genevois l’ont rejeté dans une votation, dans tous les pays démocratiques le peuple est souverain et sa décision est définitive. Par ailleurs, il est impossible de construire en Suisse aujourd’hui sur de telles surfaces. Sans compter que les coûts de fonctionnement sont une fois et demi plus cher qu’en France.

Comment allez-vous faire vivre la fondation d’ici à 2030 ?

D’abord en continuant à exposer nos œuvres dans différents lieux de culture, comme au Mémorial de Caen avec l’exposition sur le pop art, ou au palais de l’Institut de France (pavillon Comtesse de Caen) avec l’abstraction française [jusqu’au 26 novembre]. Et puis nous avons le projet de créer un prix international touchant aux arts en général, en partenariat avec la ville choisie.

Vous avez fait fortune dans le pétrole. Cela ne risque-t-il pas de handicaper l’image de la future fondation ?

Je l’assume totalement. Notre civilisation a largement bénéficié de cette énergie fossile. Il n’y a rien d’illégal à travailler dans le pétrole comme il n’est pas illégal de mettre de l’essence dans sa voiture. Ceci dit, j’ai vendu il a quelques années de cela une grande partie de mes actifs dans le pétrole et il ne reste plus qu’une seule société dans ce domaine que je vais céder dans quelque temps.

Le « Journal des Arts » vous avait signalé en juin 2022 qu’un masque du Fayoum présent dans vos collections avait une provenance suspecte. Qu’avez-vous fait ?

J’ai immédiatement porté plainte contre la galerie qui me l’a vendu et je me suis constitué partie civile dans la procédure. En tant que membre de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (Aliph), je suis très sensibilisé au problème des provenances. Lorsqu’il y a cinq ans on m’a signalé qu’une plaque en albâtre que je possédais était sortie illégalement d’Égypte, j’ai accepté de la restituer. Malheureusement la justice suisse a enterré l’affaire et n’a pas poursuivi les voleurs et receleurs, étant submergé de travail. Nos deux conservateurs ont pour mission d’étudier soigneusement la provenance de nos objets archéologiques, en préliminaire à une inspection d’une autorité extérieure à la fondation.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°619 du 20 octobre 2023, avec le titre suivant : Jean Claude Gandur, Collectionneur et mécène : « Je voudrais ouvrir le musée avant 2030 »

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