Directeur du Musée national des arts asiatiques Guimet depuis 1986, Jean-François Jarrige est aussi membre de l’Institut et directeur de recherche au CNRS. Auteur de plusieurs contributions sur l’archéologie de l’Asie du Sud, il a organisé de nombreuses expositions pour Guimet, telles « Les cités oubliées de l’Indus », en 1988, ou, dans un domaine très différent, « T’ang Haywen (1927-1991), les chemins de l’encre » (jusqu’au 9 septembre). Il commente l’actualité.
Après le deuxième tour des législatives, Jean-Jacques Aillagon a été confirmé au poste de ministre de la Culture et de la Communication. Qu’en pensez-vous ?
À titre personnel, je me réjouis de la nomination de Jean-Jacques Aillagon qui, à la tête de la direction des Affaires culturelles de la Ville de Paris, puis au Centre Pompidou, a été confronté aux problèmes des musées, qu’il connaît donc parfaitement. Ses engagements en faveur d’une plus grande autonomie des institutions culturelles correspondent aux aspirations actuelles de la plupart des directeurs des musées. Mais nous savons aussi que la mise en place de plus d’autonomie et de mesures favorisant les entreprises de mécénats ne signifie en rien, aux yeux de notre ministre, une diminution de l’engagement de l’État. La nomination de Guillaume Cerutti comme directeur de cabinet, alors qu’il a été récemment l’auteur d’un important rapport sur le musée, objet de stimulantes discussions, est aussi un signe en faveur de mesures pour un plus grand dynamisme d’institutions comme les musées. Il ne faut, en effet, pas se faire d’illusion sur le caractère extensible du budget de la Culture. Il est donc nécessaire d’encourager tous les aménagements fiscaux possibles pour donner à ceux qui le désirent les moyens d’aider les institutions de leur choix à mieux remplir le rôle qui doit être le leur dans une démocratie moderne.
Vous évoquiez l’indépendance des musées... Le Musée d’Orsay va justement devenir un établissement public. Pensez-vous que ce statut soit souhaitable pour le Musée Guimet ?
C’est naturellement à nos autorités de tutelle dont nous connaissons l’engagement dans cette direction, que revient le rôle de prendre cette décision. Mais il ne fait aucun doute que nous le souhaitons. Sans avoir la taille du Musée d’Orsay, le Musée Guimet atteint aujourd’hui une notoriété internationale et des chiffres de fréquentation plus que respectables. Il est aussi devenu une référence culturelle pour les pays d’Asie dont nous conservons une riche partie du patrimoine dans une ville comme Paris, qui reste toujours une des principales capitales sur le plan culturel. Ces pays d’Asie pèsent d’un poids économique et politique considérable, il suffit de songer à ce que sera la Chine dans les dix ans qui viennent. Aussi, un musée comme Guimet qui est un lien entre l’Europe et les grandes civilisations asiatiques se doit d’être le plus dynamique possible. Une structure d’établissement public est donc tout à fait souhaitable dans les délais les plus brefs possibles.
C’est l’année de la Documenta de Cassel qui vient de s’ouvrir en même temps que la Foire d’art contemporain de Bâle... Vous-même exposez pour la première fois un artiste contemporain, T’ang Haywen. Cela correspond-il à de nouvelles orientations pour le musée ?
La vocation première du Musée Guimet n’est pas d’exposer des artistes contemporains. Il existe pour cela de nombreux lieux mieux adaptés. Toutefois, l’histoire des arts d’Asie ne s’arrête pas en 1900 et T’ang Haywen, artiste disparu en 1991, présente l’intérêt de s’inscrire dans une longue tradition chinoise tout en s’étant ouvert aux grands courants de la peinture occidentale du XXe siècle. Nous pensons donc consacrer tous les ans, en été, une exposition sur ce thème de modernité et tradition classique. Nous devons aussi penser aux collections du musée pour les générations futures. C’est ainsi qu’une vingtaine d’œuvres de T’ang Haywen entreront dans les inventaires de Guimet à l’occasion de cette exposition.
Quelles expositions récentes ont attiré votre attention ?
Pris par diverses missions notamment à l’étranger, j’ai disposé d’assez peu de temps pour visiter des expositions, mais j’ai beaucoup aimé l’exposition du Grand Palais “Un temps d’exubérance, les arts arts décoratifs sous Louis XIII”. Cette exposition pose la question de belles manifestations qui coûtent cher à organiser et qui ne bébéficient pas d’une fréquentation suffisante du moins sur le plan budgétaire. C’est aussi le cas de l’intéressante rétrospective consacrée à Chassériau. Il faut donc profiter de ces expositions au maximum dans la mesure où les contraintes financières risquent de les rendre plus rares dans le futur. Dans un autre registre, “La révolution surréaliste”, au Centre Pompidou, offre un accrochage prestigieux. J’ai aussi beaucoup apprécié “L’or des îles” à la Fondation Mona-Bismarck, qui préfigure certaines des futures présentations du Musée du quai Branly. Il s’agit là d’un bel exemple d’une ambitieuse politique d’enrichissements suscitant aussi des dons généreux dans le domaine d’un patrimoine universel qui est également la raison d’être de musées comme Guimet. Si nous voulons continuer à nous affirmer comme un grand pays capable d’avoir une vision culturelle universelle, l’entrée dans les collections publiques, sous forme d’acquisition ou de don, d’une tête Dogon, d’une grande sculpture chinoise ou d’une œuvre majeure de la peinture japonaise est largement aussi importante que celle d’un meuble Louis XVI. Notre politique patrimoniale se doit d’être universelle, même si nos moyens d’acquisitions restent encore notoirement insuffisants dans le cadre de dispositions actuelles qu’il convient d’améliorer le plus rapidement possible.
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Entretien avec Jean-François Jarrige
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°152 du 28 juin 2002, avec le titre suivant : Jean-François Jarrige