SOUDAN
La pratique n’est pas exceptionnelle dans ce pays, troisième producteur d’or d’Afrique.
C’est un site méconnaissable, éventré par une large tranchée de dix-sept mètres de profondeur sur vingt mètres de long, qu’a découvert l’équipe des cinq archéologues et policiers. Les deux pelleteuses sont encore en marche à leur arrivée pour une visite de routine.
Situé dans le désert de Bayouda, à 270 km de Khartoum au Soudan, le site de Jabal Maragha était soit une unité d’habitation, soit un point de contrôle du royaume de Koush. Daté de l’époque méroïtique (c. 350 av. J. C. – c. 350 apr. J.-C.), il est aujourd’hui définitivement défiguré.
Pris en flagrant délit, les pilleurs ont été arrêtés avant d’être rapidement relâchés. Une impunité peu goûtée des archéologues et des personnels en charge des Antiquités. « Conduits au poste de police, les cinq ouvriers ont été relâchés quelques heures plus tard et ont même pu récupérer leur matériel », fulmine Mahmoud al-Tayeb, un ancien inspecteur des Antiquités. « Ils auraient dû être arrêtés et leurs machines confisquées. Il existe des lois », visant par là même la corruption qui sévit dans le pays.
Le cas, loin d’être isolé, illustre le pillage systématique dont souffre les sites archéologiques dans ce pays en proie aux conflits ethniques et aux difficultés économiques. L’or représente pour les Soudanais une source de revenu non négligeable. Le pays est d’ailleurs le troisième producteur en Afrique, après l’Afrique du Sud et le Ghana. La vente d’or a rapporté près de 1 milliard d’euros (1,2 milliard de dollars) à l’Etat en 2019.
Le drame du patrimoine soudanais tient au caractère endémique des pillages qui sont pour beaucoup le fait de jeunes sans ressources, encouragés par les responsables locaux, et de riches investisseurs capables d’avoir recours à des moyens industriels. La faute aussi aux rumeurs, des « histoires fantaisistes » selon l’ex-inspecteur des Antiquités, qui tendent à associer sites archéologiques et or dans l’imaginaire collectif de la population.
Hatem al-Nour, directeur des Antiquités et des Musées soudanais, dresse un sombre bilan. « Sur le millier de sites archéologiques plus ou moins connus au Soudan, au moins une centaine ont été détruits ou endommagés par des chercheurs d'or. Il y a un policier pour 30 sites et il ne possède ni qualification, ni matériel de communication ni moyens de transport adéquats ». Ce qui pousse M. Tayeb à douter de la volonté du pouvoir à protéger effectivement son patrimoine. « Il est clair que celui-ci n'est pas en tête des priorités du gouvernement ».
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Au Soudan, les chercheurs d’or saccagent un site archéologique
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