Art contemporain

Asger Jorn, L’avangarde se rend pas

Par Bertrand Dumas · L'ŒIL

Le 12 décembre 2016 - 441 mots

Un mécénat inédit de la Fondation NY Carlsberg permet d’enrichir le Centre Pompidou d’un tableau majeur du peintre danois Asger Jorn.

Fondation NY Carlsberg
Créée en 1876 par J.C. Jacobsen, le fondateur de la brasserie Carlsberg, la Fondation NY Carlsberg investit quelque 14 millions d’euros par an pour la promotion de l’art dans la société. Depuis 1902, elle achète de l’art étranger pour enrichir les institutions danoises d’œuvres des plus grands maîtres de l’art moderne et contemporain. Aujourd’hui, sa participation à hauteur de 65 % dans l’achat par le Centre Pompidou du tableau d’Asger Jorn (1914-1973) inaugure une nouvelle stratégie qui consiste à aider les musées étrangers à enrichir leurs collections d’art danois. Celle du musée parisien possédait déjà cinq peintures, trois dessins et quelques estampes du chef de file du mouvement CoBrA.

1962
L’avangarde se rend pas fut pour la première fois exposé à Paris, en 1962, à l’occasion de l’exposition « Nouvelles défigurations » qui se tint à la Galerie Rive Gauche, rue de Fleurus. En 1959, le Danois y avait exposé ses premières « Modifications » dont découle la toile acquise par le Centre Pompidou.

Alechinsky
La provenance du tableau a compté dans la décision de l’acquérir. Au début des années 1970, Pierre Alechinsky, né en 1927, se l’était procuré auprès du galeriste Jean Pollak qui avait accepté une toile de sa main en échange. Quarante ans plus tard, le peintre belge propose la toile de Jorn au Centre Pompidou qui saisit cette occasion unique pour compléter sa collection de peintures représentatives du mouvement CoBrA. Fondé à Paris en 1948, CoBrA regroupait des artistes européens comme Asger Jorn, Corneille, Karel Appel et Pierre Alechinsky. Ensemble, ils cherchèrent une alternative picturale à la querelle, selon eux stérile, qu’entretenait depuis la fin de la guerre la peinture abstraite et figurative.

Situationnismes
Le procédé du détournement est une illustration des thèses situationnistes, explicitées dans le texte manifeste « Le détournement comme négation et comme prélude » (Internationale situationniste, n° 3, décembre 1959). En un geste sacrilège, le peintre sape la valeur sacrée de l’art, il « dévalorise » la peinture du passé pour faire éclore un art du présent. « La peinture est morte, vive la peinture ! », aurait pu proclamer Asger Jorn dont les Modifications ne rencontrent à leurs débuts aucun succès commercial.

Modifications
Entre 1959 et 1962, Asger Jorn chine au marché aux puces des tableaux quelconques qu’il s’emploie, ensuite, à repeindre partiellement. De l’aveu de l’artiste, ces détournements, qu’il baptise Modifications, procèdent d’un travail « en l’honneur de la mauvaise peinture », une façon d’illustrer que « la nourriture préférée de la peinture, c’est la peinture ».

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°697 du 1 janvier 2017, avec le titre suivant : Asger Jorn, <em>L’avangarde se rend pas</em>

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