Paradoxal, ce Donald Trump. Les grandes institutions américaines d’art moderne et contemporain ont été souvent critiquées pour leur vision trop occidentale et leur manque d’intérêt pour les artistes originaires d’autres pays.
Voilà que le chantre d’« America First » a provoqué indirectement un raccrochage partiel des collections du Museum of Modern Art (MoMA) de New York en faveur d’une nouvelle reconnaissance de la diversité culturelle et des influences réciproques.
Dès l’entrée du MoMA, le visiteur est accueilli dorénavant par une installation (1990) de Siah Armajani, sculpteur américain né en Iran en 1939. Au quatrième étage, à côté de la célèbre et naïve Bohémienne endormie du Douanier Rousseau est accroché un grand tableau de Zaha Hadid, The Peak Project, Hong Kong (1991). La célèbre architecte, née en Irak et décédée l’an dernier, pratiquait aussi la peinture, comme certains de ses illustres confrères. La salle Matisse ouvre à présent un dialogue avec un autre artiste vivant en France, Charles Hossein Zenderoudi, né à Téhéran en 1937. Une de ses grandes œuvres colorées sur papier, Mon père et moi (1962), voisine avec Les Pervenches (Jardin marocain) [1912] de Matisse. Plus loin, c’est une vidéo de Tala Madani (vivant à Los Angeles, mais née à Téhéran en 1981) qui a trouvé sa place, comme la peinture d’Ibrahim El-Salahi (né au Soudan en 1930), La Mosquée, proche désormais des Demoiselles d’Avignon. Et ainsi de suite… Boccioni, Burri, Ensor, Matisse, Picabia, Picasso ont été décrochés temporairement pour offrir d’autres rapprochements.
Des cartels engagés
L’initiative revient à un groupe de conservateurs du musée new-yorkais qui a voulu protester contre le décret brutal du président Trump interdisant l’entrée sur le sol américain de ressortissants de sept pays d’Afrique et du Moyen-Orient. À côté de chaque œuvre est placé un cartel rappelant que « son auteur est issu d’un pays dont les citoyens sont interdits d’entrée aux États-Unis depuis le décret du 27 janvier » et que ces œuvres sont présentées pour « affirmer les idéaux d’accueil et de liberté, vitaux autant pour ce Musée que pour les États-Unis ». On pourrait relever que le geste est limité puisqu’il concerne seulement douze œuvres provenant d’artistes issus de trois des sept pays « bannis » ; qu’il ne modifiera pas le programme de Trump qui ne manquera pas de dénoncer avec gourmandise une machination de l’élite intellectuelle et artistique gauchiste de la Côte est, et donc qu’il ne changera rien au sort des milliers de demandes de visa en attente (1). Certes, mais le flot des réactions, juridiques, politiques et citoyennes contre le décret anti-immigration grossit. Les directeurs du Metropolitan Museum of Art à New York et du Getty de Los Angeles ont également protesté, dénonçant un obstacle dressé à leurs nécessaires échanges internationaux, mais sans prendre encore d’initiatives.
Saluons donc cette protestation des conservateurs du MoMA, institution plus connue jusqu’à présent pour son politically correct, voire sa complaisance avec le pouvoir financier et le marché. Le musée aurait pu rester indifférent ; grâce à ses collaborateurs il a pris parti, a exercé ses responsabilités en ne pratiquant pas un geste ostentatoire mais en redonnant intelligemment vie à des œuvres, acquises souvent il y a longtemps mais peu exposées, des œuvres d’artistes forcés à l’exil et qui ont pu trouver refuge ailleurs. Méditons aussi l’engagement du MoMA, car la France de 2017 n’est plus si loin des États-Unis.
(1) Un tribunal fédéral a cependant suspendu le décret présidentiel.
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Zaha Hadid rencontre le Douanier Rousseau
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Abonnez-vous dès 1 €Le nouvel accrochage des collections du MoMA, avec l'oeuvre de Zaha Hadid, The Peak Project, Hong Kong, China, 1991, polymères synthétiques sur papier marouflé sur toile, 129,5 x 182,9 cm. © Photo: Robert Gerhardt.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°473 du 17 février 2017, avec le titre suivant : Zaha Hadid rencontre le Douanier Rousseau