Italie - Biennale

Éditorial

Venise, masculin/féminin

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 20 septembre 2017 - 399 mots

Public de l’art. Après la frénésie des journées professionnelles puis la surpopulation estivale sur la lagune, et alors que les feuilles dans les arbres des Giardini commencent à jaunir, la Biennale de Venise attire-t-elle encore des visiteurs ? Pour autant qu’une expérience personnelle de quelques jours soit pertinente, la réponse est positive : il y a du monde dans les pavillons, plus même que dans ce temple de l’art ancien que sont les Gallerie dell’Academia. Il y a quelque chose de réjouissant dans cette affluence, l’art contemporain est populaire, sans que l’on sache vraiment si les visiteurs viennent pour se divertir ou pour se cultiver. Car depuis que la création s’est largement déplacée du terrain de la délectation plus ou moins cérébrale vers celui de l’expérience multisensorielle – le studio d’enregistrement de Xavier Veilhan en est un bon exemple –, les motivations du public sont plus ambiguës.

Nulle ambiguïté en revanche dans les intentions des visiteurs qui se pressent à la Pointe de la Douane et au Palazzo Grassi, malgré le prix élevé (18 euros) pour regarder la dernière superproduction de Damien Hirst. Ils viennent au spectacle, partager un moment ludique où on leur raconte une belle histoire avec force effets spéciaux. Un blockbuster hollywoodien comme l’est, par exemple Avatar de James Cameron. De ce point de vue, il faut reconnaître au trublion des Young British Artists, comme à son distributeur/diffuseur (et peut-être même producteur) François Pinault, un haut niveau de professionnalisme que tous les commentateurs ont également relevé, mettant un voile pudibond sur l’intérêt artistique. La mise en scène est remarquable, spectaculaire, soignée dans ses moindres détails : des cartels au merchandising. Le public accourt, adhère, s’amuse et pour certains se laisse même berner. C’est aussi une exposition gonflée à la testostérone, une exposition très masculine où les nombreuses sculptures de nu féminin exaltent un érotisme bien dans l’esprit du temps et de la psyché de son concepteur.

L’exposition internationale placée sous le commissariat de Christine Macel à l’Arsenal peut être considérée comme son alter ego chez l’autre sexe. Ici aussi le spectaculaire s’est emparé des œuvres mais avec une finesse toute féminine. Les nombreuses installations faites de textile, de tressage, les hommages aux artistes femmes témoignent de la sensibilité de la commissaire. À l’instar de l’heureuse association que Venise a su nouer entre l’art ancien et celui d’aujourd’hui, Damien Hirst et Christine Macel incarnent une autre polarité.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°485 du 22 septembre 2017, avec le titre suivant : Venise, masculin/féminin

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