L’expression est encore peu répandue alors qu’elle désigne un phénomène déjà bien établi qui recouvre des intérêts géostratégiques majeurs. Le Soft Power est la capacité d’un pays à susciter l’adhésion des autres par des moyens pacifiques, à travers son image, ses valeurs et sa culture. Il vise prosaïquement à faciliter les intérêts économiques, touristiques et diplomatiques de l’État qui en use. Si les États-Unis et leurs industries culturelles sont les champions toutes catégories en la matière, les auteurs de l’ouvrage La Politique culturelle en France (lire p. 114) soulignent combien l’image du Japon a bénéficié de ses mangas et dessins animés.
La France, pays des droits de l’homme, de la culture et du bien-vivre, dispose sans doute des meilleurs atouts dans la compétition internationale dont le champ de bataille s’est en partie déplacé du militaire au Soft Power. Fière, souvent avec arrogance, de son patrimoine et de sa création, elle s’est faite le chantre de l’exception culturelle dans les négociations commerciales internationales. Son réseau de centres culturels à l’étranger est l’un des plus denses qui soient. Pourtant, cela fait des décennies qu’elle n’a plus le monopole de la culture. La Biennale d’art contemporain de Lyon (celle de Paris ayant disparu depuis longtemps) est une biennale parmi une bonne centaine d’autres dans le monde, comme le montre notre enquête de ce mois-ci.
Le déclin relatif de l’art contemporain français affecte aussi sa langue, son vin, sa pensée, même s’il est d’autres domaines où l’image de la France reste forte : le luxe, les musées, le cinéma. Faut-il, comme le recommande le patron de Culturesfrance, Olivier Poivre d’Arvor, dans l’entretien qu’il donne à L’œil, créer un vaste secrétariat d’État qui, à l’instar du célèbre MITI japonais (dans le domaine industriel), regrouperait tous les leviers de l’État assurant la promotion de la culture française à l’étranger ? Un secrétariat dédié au Soft Power en quelque sorte ? Un rapport du Sénat demande à ce que l’action culturelle à l’étranger soit libérée de la tutelle du Quai d’Orsay. Celui-ci planche justement sur une réorganisation des centres culturels et des Alliances françaises, mais il semblerait que le plan manque sérieusement d’ambition.
S’il est vrai qu’il faut un capitaine, un coordinateur du Soft Power français, il faut aussi se méfier des vastes organisations gouvernementales qui fabriquent centralisme et bureaucratie dans un domaine qui suppose bien au contraire une capillarité planétaire. Quelle que soit la forme que devrait prendre ce regroupement, le sujet mérite que le Parlement s’y intéresse. Les enjeux sont immenses.
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Soft Power
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°616 du 1 septembre 2009, avec le titre suivant : Soft Power