Ce printemps, il ne se sera pas passé un seul dîner en ville sans l’évocation
des derniers rebondissements de Loft Story ou, plus sérieusement, du roman de Catherine Millet. Avec les vacances et parallèlement à la lecture des livres de l’été (voir p. 110), ceux qui ne se sont pas encore délecté des aventures sexuelles de la rédactrice en chef d’Art Press pourront se plonger dans son roman à succès présenté chez Bernard Pivot et chez Mireille Dumas.
Il faut bien dire que les résultats des ventes sont à la hauteur du contenu. Le Seuil annonce le chiffre incroyable de plus de 180 000 exemplaires vendus en trois mois. 18 éditeurs internationaux ont racheté les droits de publication et Goldmann de chez Bertelsmann a signé un contrat frôlant les deux millions de francs pour la seule traduction en allemand.Il n’est pas question ici de faire la critique littéraire de ce roman. D’autres s’en sont chargé en temps utile, évoquant le sexe triste décrit cliniquement par l’auteur, le style hésitant entre Sollers et Houellebecq, la mise à distance volontaire pour évoquer les partouzes échangistes de la Porte Dauphine. Si l’ouvrage révèle d’indéniables qualités d’écriture, il souligne l’influence fondamentale de l’art contemporain sur son auteur.
A l’instar des Orlan se transformant en distributeur automatique de baisers ou Gina Pane se lacérant la bouche pour mêler son sang au lait, Catherine Millet utilise son corps pour faire œuvre. Dans son livre L’art contemporain en France, publié en 1994 chez Flammarion, notre critique nationale analyse comment les artistes du Body Art « se sont servi de leurs corps pour mesurer l’espace et parfois le temps, comme s’ils ne disposaient plus d’autre instrument de mesure, comme si la distance entre l’art et le réel était si réduite que l’artiste lui-même devait se confondre avec l’environnement ». Il en est de même pour elle. En décrivant avec force détails ses expériences sur l’avenue Foch, Catherine M. se confond avec les milieux faussement libérés des années post-68. Ainsi, après Annette Messager collectionneuse, assiste-t-on à la naissance de Catherine M. body artiste. Mais peut-être faut-il être encore plus pervers et penser que tout ceci n’est que fantasme, pure invention pour faire plus fort que Jeff Koons et la Cicciolina. Une sorte d’hoax entièrement fabriqué, une fiction très contemporaine.
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Roman d’une artiste manquée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°528 du 1 juillet 2001, avec le titre suivant : Roman d’une artiste manquée