« Si nous voulons comprendre le monde contemporain, nous avons besoin d’une compréhension informée et équilibrée de l’Islam et il n’y a pas de meilleure introduction à la dynamique et aux valeurs de la foi musulmane que le pèlerinage du Hajj », écrit l’historienne Karen Armstrong (1).
Ce sont bien les musées qui peuvent nous aider à avoir cette nécessaire perception « informée et équilibrée », surtout lorsque se répand la démagogie des campagnes électorales. Mais comment le font-ils ? La réponse est multiple et vaut d’être débattue alors que le Louvre annonce pour l’automne l’ouverture, cour Visconti, de son département des arts de l’Islam, que l’Institut du monde arabe (IMA) vient de réaménager son musée, que le Metropolitan Museum de New York a rénové quinze galeries consacrées aux « Arts des pays arabes, la Turquie, l’Iran, l’Asie centrale et l’Asie du Sud tardive » – une bien longue appellation, politically correct, pour un ancien « Département d’art islamique ». Toute présentation exige en préalable une explication de texte. Le Louvre, après avoir créé en 1893 une section des « arts musulmans », va exposer près de 3 000 œuvres des arts de l’Islam, en insistant bien sur le « I » majuscule de ce huitième département pour faire référence aux civilisations, à un art en majorité profane et non à la religion. Certes, mais comment va-t-il traiter le phénomène religieux dont on ne peut nier l’importance ? Les saisies révolutionnaires des biens du clergé, le dogme d’une laïcité exclusive ont abouti dans le premier Louvre à une décontextualisation des œuvres, avant tout accrochées et commentées pour leurs valeurs plastiques en oubliant leur signification et leur fonction. Quel sera le langage des œuvres nouvellement exposées ? La seule référence à une influence sur l’art occidental ne pouvant suffire. Laïcité signifiera-t-elle, comme autrefois, exclusion ou bien neutralité ? Les mentalités évoluent à Paris. Le Musée de l’IMA propose désormais des parcours thématiques prenant en compte cette complexité. Le British Museum montre le « Hajj : voyage au cœur de l’Islam », ce pèlerinage que tout musulman devrait faire durant sa vie. En 1932, 20 000 pèlerins s’étaient rendus à La Mecque, plus de 3 millions sont attendus cette année. Se voulant un musée du monde pour comprendre le monde, le British Museum montre l’art inspiré par le Hajj, mais aussi et surtout, explique le phénomène. Il n’a pas peur de reconnaître le lien entre foi et société, comme la National Gallery en l’an 2000 avait osé consacrer ses salles à « l’Image du Christ ».
(1) Karen Armstrong, Hajj, journey to the heart of Islam, éd. Venetia Porter catalogue de l’exposition à voir jusqu’au 15 avril au British Museum, 290 p., £25 (30 €), ISBN 9780714111759
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’Islam politically correct
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°366 du 30 mars 2012, avec le titre suivant : L’Islam politically correct