Sujet de débats souvent passionnés, l’accès gratuit aux musées était vanté jusqu’à aujourd’hui comme un outil efficace pour la diversification de leurs publics. Lors de sa fondation, le Louvre ne l’avait-il pas érigé en principe ?
En gagnant la Mairie de Paris, Bertrand Delanoë l’avait instauré. En 2009, le président Sarkozy l’avait accordé aux moins de 25 ans. Les municipales amènent des revirements. Son ancienne ministre et porte-parole de campagne, Nathalie Kosciusko-Morizet, s’appuie sur un rapport de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France (CDR, octobre 2013), « accablant sur l’échec de la démocratisation », selon elle, pour ramener cette gratuité permanente à un seul jour par semaine (JdA, n° 407). Si la chambre relève une forte augmentation de la fréquentation des quatorze établissements de la Ville (1,4 million de visiteurs en 2010, contre 400 000 en 2001), elle déplore une mobilisation inférieure des jeunes à celle des musées nationaux, une majorité de visiteurs relevant des cadres ou professions libérales. Les Catacombes (payantes) attireraient un public plus ouvrier que les Danses de Matisse ! La preuve est donc faite, les campagnes électorales poussent à bien des simplifications à partir d’éléments parfois fragiles. Le service culturel du Louvre, qui a mené des études de longue durée sur l’impact du dimanche gratuit, a toujours souligné la nécessité d’une forte médiation de cette mesure auprès des publics à conquérir. Il relevait, lui, un écart remarquable dans la composition du public ce jour-là, primo-visiteurs, plus jeunes, autres catégories sociales… et bien sûr forte hausse de la fréquentation. C’est ce succès qui amène ce musée, après Versailles, à mettre fin à cette facilité en haute saison touristique. Certes, le Louvre a raison de mettre en avant les nombreuses catégories bénéficiant déjà de la gratuité permanente, il est néanmoins difficile de le croire incapable de réguler les flux. À contre-courant de la tendance française, la Chine généralise la gratuité de ses musées nationaux : dans les grandes métropoles, il faut réserver son entrée sur Internet à une tranche horaire déterminée. Si les foules peuvent se gérer à Pékin, à Paris c’est donc la baisse des subventions publiques qui justifie cet appel à des ressources dominicales.
La polémique sur la démocratisation occulte un autre argument, lui, qualitatif, en faveur de la gratuité : la fidélisation du public. La CDR l’avait pourtant relevé, 44 % des visiteurs sont venus en 2010 plus de dix fois dans les musées de la Ville de Paris, contre 38 % en 2008. Les études du Louvre mettaient en avant cette fidélisation et un ancrage francilien, le dimanche gratuit. La gratuité joue un rôle dans l’éducation du regard. Elle incite le visiteur à ne pas s’épuiser en visitant le Louvre en une fois, mais à revenir. Plus il accumule en un marathon, moins il retient. Les musées de la Ville, plus faciles d’accès physique, sont tout indiqués pour favoriser ces visites plus courtes, plus enrichissantes. Outre-Manche, l’importance de la qualité de la visite est toujours mise en avant dans le débat sur la gratuité et celle-ci ne subit pas des allers-retours comme en France. Et l’accès gratuit aux collections du British Museum, de la National Gallery… n’a jamais été remis en cause, même sous l’ère Thatcher.
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Les allers-retours confus de la gratuité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°408 du 28 février 2014, avec le titre suivant : Les allers-retours confus de la gratuité