Société

Le sens du vent

Par Olivier Celik · L'ŒIL

Le 24 septembre 2024 - 556 mots

C’est l’une des missions de L’Œil de mettre des images et des mots sur les tendances de l’art. 

Créations artistiques, structuration du milieu, économie, géographie : ces facteurs sont complexes et interconnectés, et tout l’enjeu consiste à donner de la lisibilité à ce qui advient. Les mois d’octobre et novembre concentrent à la fois les grands acteurs du marché de l’art dans des foires largement ouvertes au public, et les artistes en vue dans des manifestations internationales comme la Biennale de Lyon : une période propice à prendre la température.

En préparant ce numéro sur les grandes foires et salons de l’automne, dans le sillage d’événements majeurs comme Art Basel Paris, une question se pose : en art, qu’est-ce qu’une tendance ? Effet de mode ou lame de fond… Une évolution progressive des comportements, des goûts et des opinions, ou un changement frivole pour être dans l’air du temps ? Toute tendance oscille entre ces deux pôles, le temps qui passe étant finalement le seul juge de paix. En matière d’art, un écueil supplémentaire se pose, car une distinction forte s’opère entre le marché et la création, chaque domaine obéissant à ses propres lois. Il y a d’un côté ce qui s’achète et se vend, de l’autre ce qui se crée. Et cela se croise sans se superposer.

Prenons l’exemple d’une tendance qui s’affirme depuis plusieurs années en France, le retour de la peinture, et notamment de la figuration. S’agit-il d’une résurgence cyclique comme l’art en connaît si souvent ? D’un besoin de réinvestir le travail de la main ? D’une résistance des créateurs à une forme d’immatérialité qui s’empare de pans entiers de la vie sociale ? S’agit-il, encore, d’une conséquence naturelle d’une réhabilitation de la peinture dans les formations des écoles d’art ? Ou d’une adaptation de l’offre à la demande ? Si l’on s’interroge côté marché, on se peut aussi se demander s’il s’agit d’une forme de prudence, ou de refuge, quand on sait qu’une œuvre dans un cadre se vend toujours mieux qu’une installation monumentale ou une vidéo.

Il est délicat de répondre à ces questions avec netteté, et toutes les approches ont sans doute autant de pertinence. Mais sont-elles finalement si décorrélées que cela ? Autrement dit, un jeune artiste d’aujourd’hui sera-t-il naturellement tenté d’aller vers une tendance imposée par le marché ? D’autant que l’époque est à une communication rapide, numérique, socialisée, qui accélère les émergences et construit en un temps record des tendances. Les évolutions des formes plastiques, dans leur variété, paraissent ainsi difficiles à saisir ; les thématiques, en revanche, fournissent des axes forts, inspirés par les changements de société. Le premier mouvement de fond tient à la place des femmes, dans un effort de parité et de lutte contre l’invisibilisation, qu’il s’agisse de créateurs vivants comme d’artistes consacrés. Il est significatif à ce propos que l’exposition « Surréalisme » du Centre Pompidou réévalue la place des femmes, cent ans après, et rétablisse leur influence dans le succès de ce courant. Le second mouvement de fond est aussi marqué d’une forte empreinte sociétale avec un rééquilibrage Nord-Sud notamment mis en avant par la dernière Biennale de Venise. Et s’il faut esquisser une évolution prochaine, qui s’inscrirait dans la même dynamique sociétale, doit-on s’attendre à voir émerger une création mettant au centre du projet artistique les questions relatives au genre ?

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°779 du 1 octobre 2024, avec le titre suivant : Le sens du vent

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