Nous avions décidé de ne pas couvrir l’exposition « Les parisiens sous l’Occupation », actuellement présentée à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, pour ne pas faire davantage de publicité à cette présentation éminemment problématique. L’affaire a depuis pris un tour politique avec l’hypothèse exprimée par Christophe Girard, adjoint au maire de Paris chargé de la Culture, dans un entretien publié par Le Journal du Dimanche du 20 avril, de fermer l’exposition. Si l’élu est revenu depuis à plus de prudence, cette prise de position mérite néanmoins débat.
Les deux cent soixante-dix photographies d’André Zucca offrent une vision inédite de la capitale pendant la guerre, celle apportée par la couleur. Certes, mais en écho à ce Paris où tout semble aller dans le meilleur des mondes, où les femmes rient au bras de leur fiancé, à cette vision insouciante de la capitale sous la botte allemande, se cachent inévitablement les rafles des Juifs et les spoliations en tout genre. Dès lors, comment se retrancher, comme l’a fait Jean Baronnet, le commissaire de l’exposition, dans Libération, derrière le seul argument esthétique : « Pour moi, André Zucca est un grand photographe. Quand il photographie Paris et les Parisiens à partir de 1940, c’est aussi du grand art avec une sûreté du cadrage extraordinaire ». Prises par un collaborateur travaillant pour les nazis et leur magazine de propagande Signal, ces images ne sont pas d’innocents témoins de la vie des Parisiens sous l’Occupation. Même non publiées, elles participent nécessairement d’une manœuvre globale pro-allemande. Analyser une photographie ne se résume pas à en décortiquer le cadrage. Lire une image, c’est aussi lire son sens.
Mais cette regrettable affaire risque d’en entraîner une autre : la fermeture de l’exposition et la reprise en main par les politiques de la programmation des musées. Aussi contestables que soient les photographies présentées par la Bibliothèque historique de la Ville de Paris – qui a depuis rectifié le tir en proposant aux visiteurs un appareil critique –, un acte de censure aurait aujourd’hui un effet tout aussi néfaste.
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Le sens des images
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°280 du 25 avril 2008, avec le titre suivant : Le sens des images