Fétiche - Interroger Ben sur son objet fétiche tient de la gageure : c’est comme demander à une mère de choisir entre ses enfants. L’homme qui a accumulé et accumule encore des milliers d’objets se trouve bien embarrassé. Son environnement ressemble à un cabinet de curiosités : le jardin, la façade et l’intérieur de sa maison à Nice sont encombrés de trouvailles en tout genre ! Il l’avoue : « Chaque semaine, très tôt, je me rends au dépôt Emmaüs qui se situe tout près de chez moi. C’est mon deuxième atelier. » Avant d’ajouter : « Chiner, c’est mon vice, ça dure depuis toujours, et ça fait le désespoir de ma femme ! » Alors, comment préférer une chose plutôt qu’une autre ? Pour l’heure, l’artiste est ému par une petite boule de poils. Il dit : « Je suis très attaché à mon chat “Zorro”, moi qui n’aime pas particulièrement les chats. Mais, un jour, alors que j’étais seul à la maison, notre chatte, qui était prête à mettre bas, est venue se frotter contre mes jambes. Son petit chaton n’arrivant pas à sortir, je l’ai aidée avec mes doigts. Il est noir et blanc, avec des taches réparties d’une façon très symétrique, ça lui dessine un masque et une cape comme Zorro, d’où son nom. Je suis très malheureux, car il a disparu depuis trois jours ! » Voilà pour le fétiche du moment. Mais revenons à ce qui anime profondément cet artiste, figure européenne majeure du mouvement Fluxus créé à la fin des années 1960 par le New-Yorkais Georges Maciunas. N’avait-il pas, de lui-même, aboli les frontières entre l’art et la vie, comme le préconisait cette nouvelle avant-garde, en ouvrant à Nice, en 1958 (et jusqu’en 1973), une boutique où il vendait et achetait disques d’occasion, appareils photo et autres curiosités et d’où il éditait des newsletters avant l’heure ? Lieu de rencontre des protagonistes du Nouveau Réalisme, du Non-Art ou de Supports/Surfaces, ce drôle de bazar aux murs extérieurs et intérieurs saturés de petites toiles noires sur lesquelles l’artiste écrivait déjà, à la main et à l’encre blanche, tout ce qui lui passait par la tête – ses fameux aphorismes – a été rebaptisée « Galerie Ben doute de tout ». Et cette production digne des grands maîtres de l’Art brut a rejoint, en 1975, les collections du Centre Georges Pompidou. Réalisation fétiche s’il en est, Ben ne la retient pas : « Je préfère me projeter dans le futur », tranche-t-il. Chez ce bavard compulsif, tout est prétexte à rebondir, philosopher, discuter sur l’art, faire de l’art, respirer l’art. Et la rétrospective qui se tient actuellement à Nice confirme cette inflexion à s’interroger sur tout, mais aussi sa volonté de regarder loin devant : dans la deuxième partie de l’exposition, il offre un espace vierge de 3,60 m2 à chacun des cinquante jeunes artistes qu’il a invités. Alors, cet objet fétiche ? L’artiste cherche encore. Cette question le turlupine, et il revient à sa grande passion : la chine. Il explique : « Quand je vais chez l’abbé Pierre et que j’en trouve, j’achète des porcelaines ou des bibelots représentant des femmes nues. J’en possède une trentaine, notamment un serre-livres avec deux pin-up, que je montre dans une chambre intitulée “Bensexemaniaque” ! » Pourquoi des femmes nues ? « Parce que c’est beau et qu’aujourd’hui c’est un peu osé de collectionner ce genre de choses. » Enfin, pour en revenir à son chat disparu, et à son objet fétiche introuvable, il dit : « J’ai dernièrement mis la main sur un tableau qui représente un chat avec un œil bleu et un œil blanc. J’espère que c’est un signe et que Zorro va bien finir par arriver ! »
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Le chat Zorro de… Ben
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°727 du 1 octobre 2019, avec le titre suivant : Le chat Zorro de… Ben