Le bouquet
Il y a des traditions que l’on aime voir perdurer. Offrir et recevoir des fleurs en est une. C’est d’ailleurs ainsi qu’il faut accepter le Bouquet de tulipes offert à la France par Jeff Koons sur proposition de madame l’ambassadrice américaine à Paris, Jane D. Hartley, pour, dit le plasticien, témoigner de l’amitié des États-Unis envers le peuple français, « de [leur] deuil et de [leur] soutien » aux familles des victimes des attentats du 13 Novembre. Les Tulips de Jeff Koons appartiennent à la série intitulée Celebration, également composée des cœurs de la Saint-Valentin et des chiens gonflables qui ont fait la célébrité de l’artiste. Celebration est née dans les années 1990 d’une invitation lancée par un galeriste à concevoir des illustrations pour un calendrier. Elle a permis à Koons de rebondir après sa très critiquée série porno réalisée avec la Cicciolina (Made in Heaven) et d’atteindre les records que l’on sait en salle des ventes (plus de 58 millions de dollars en 2013). Il s’agit donc d’un beau cadeau que fait aujourd’hui l’artiste à la France, d’autant plus que cette main hyperréaliste brandissant un bouquet de tulipes stylisées évoque la main de la statue de La Liberté éclairant le monde offerte par la France au peuple américain il y a très exactement cent trente ans. Mais, diront les mauvaises langues, ces fleurs, il va nous falloir désormais les payer ! Certes, les États-Unis ont dû trouver de l’argent en 1886 pour la statue de Bartholdi, mais c’était pour financer le seul socle… Or, la production du bouquet, qui devrait prendre place en 2017 sur le parvis du Musée d’art moderne de la Ville de Paris et du Palais de Tokyo, fait l’objet d’un appel au mécénat intégral coordonné par le Fonds pour Paris.
« Jeff Koons nous offre des fleurs mais il faudra payer le vase », a ainsi titré Le Monde, auquel il faut rappeler que c’est parfois le geste qui compte. Un geste, certes, de plus de 30 tonnes, 11,66 m de haut, 8,35 m de large et 10,17 m de profondeur, qu’il sera bien difficile d’ignorer avec ses couleurs acidulées.
Les fleurs étant par ailleurs en bronze, il est aussi peu probable qu’elles soient périssables, comme le veut pourtant la chanson. Pour une fois, on aurait préféré des bonbons…
Des célébrations
Ce qui était une tendance il y a quelques années est devenu en 2017 la règle. Pour exister au milieu d’une offre d’expositions toujours plus pléthorique en France et dans le monde, musées, villes, régions et pays tentent de créer l’événement autour de commémorations qui doivent faire sens avec leur histoire et leur action. Après les années Van Gogh en 2015 et Bosch en 2016, les Pays-Bas consacrent cette année au centenaire de la création de De Stijl, qui verra sur tout le territoire la programmation d’expositions autour de Mondrian, Van der Leck, Van Doesburg et du design hollandais. Le centenaire de la révolution russe de 1917 n’a également pas été oublié en Russie, mais aussi ailleurs, comme à Londres où sera présentée en février une exposition qui étudiera la période sous l’angle artistique.
De telles initiatives ont des vertus économiques et diplomatiques évidentes, que l’on voit de plus en plus transposées à des échelles locales et territoriales en France. Ainsi, Le Havre fêtera-t-il l’été prochain son 500e anniversaire en invitant plus de cinquante artistes français et internationaux « à réinventer la ville ». Vaste programme.
Le département de l’Aube, qui met désormais chaque année une thématique culturelle en avant, s’appuie en 2017 sur le peintre Renoir, qui a vécu et peint à Essoyes, où l’on peut aujourd’hui visiter son atelier. Rouen a pour sa part choisi Picasso, dont le nom est attaché au Boisgeloup, dans l’Eure, pour fédérer ses musées en avril. La synergie est également de mise dans les musées de l’ancienne Picardie, à Amiens, Chantilly, Beauvais et Compiègne, qui offrent de mars à décembre « Un voyage dans l’art italien des primitifs au rococo ». À Paris, tandis que le Centre Pompidou fête en 2017 ses 40 ans avec quarante expositions labellisées dans quarante lieux en France, le Musée Rodin pilote quant à lui les 100 ans de la disparition du sculpteur. Au programme : une grande exposition « du centenaire » au Grand Palais en mars, un long-métrage de Jacques Doillon avec Vincent Lindon dans le rôle-titre, des documentaires télévisés, des livres, une pièce de deux euros, un timbre, des épreuves du baccalauréat et même une opération « Love », dont le coup d’envoi sera donné le jour de la Saint-Valentin, non pas devant le cœur de Jeff Koons mais devant Le Baiser de Rodin. Voilà donc le programme qui nous attend en 2017 et dont L’Œil ne manquera pas de vous informer chaque mois, à travers ses enquêtes, ses dossiers, ses analyses, ses critiques d’expositions… Bonne année à toutes et à tous !
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le bouquet des célébrations
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°697 du 1 janvier 2017, avec le titre suivant : Le bouquet des célébrations