Les volontés indépendantistes d’une partie des habitants de la Catalogne font tourner les regards vers le Pays basque où règne encore le souvenir de l’organisation armée ETA, même si celle-ci a annoncé en 2011 la fin de ses activités militaires.
Le nationalisme basque n’a rien à envier à celui des Catalans, fier qu’il est de l’histoire et de la culture de son peuple. Comment expliquer alors que les édiles de Bilbao soient allés chercher il y a vingt ans le Guggenheim, l’un des plus grands symboles de la « high culture » américaine ? Comment expliquer que la greffe ait pris si rapidement ? L’Espagne ne manque pas de bons architectes, de Rafael Moneo (Pritzker Prize 1996) au trio RCR (Pritzker Prize 2017). C’est pourtant la star américaine Frank Gehry qui a été choisie à l’époque. Il aurait également été possible de constituer et d’exposer une collection d’histoire du riche pays basque et ainsi de valoriser la nation basque. Mais non, la programmation est le reflet du goût international avec un fort tropisme américain : le pop art, Warhol, Basquiat et bien sûr le très cher Koons. Certes, il est aussi fait place aux artistes basques et espagnols d’après guerre et contemporains, mais à proportion de leur notoriété à l’échelle mondiale. Ni plus ni moins.
Que comprendre de ce paradoxe ? La réponse est simple : les grands musées sont des industries culturelles au même titre que des producteurs de films ou de musique et ils se doivent de répondre au goût standardisé d’une classe moyenne supérieure mondialisée « sur-sollicitée » afin d’attirer des millions de visiteurs. Le modèle Bilbao, si vanté, c’est d’abord l’« effet Guggenheim ». Un musée d’ethnologie et d’histoire locale avec une architecture moins audacieuse n’aurait pas obtenu un tel succès ni produit un tel effet d’entraînement. L’intelligence des autorités locales, qui peuvent lever l’impôt, ce que réclament les Catalans, a été par ailleurs (et surtout) d’accompagner la création du musée avec un vaste plan de modernisation de la ville, créant ainsi une forte dynamique. C’est ce qu’a bien compris Abou Dhabi en mettant en sourdine son « Musée national Zayed », supposé glorifier la culture bédouine, pour accélérer la construction de l’antenne du Louvre qui ouvre dans quelques jours. Les aspirations identitaires doivent composer avec l’économie. C’est ce que les Catalans sont aussi en train de découvrir.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Indépendantisme, culture et économie
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Le Musée Guggenheim de Bilbao en Espagne © Photo José M Blanco - 2011 - Licence CC BY 3.0
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°487 du 20 octobre 2017, avec le titre suivant : Indépendantisme, culture et économie