IL.H.O.O.Q.
En 1967, c’est un Marcel Duchamp âgé – il a 80 ans – mais encore vif qui se confesse devant la caméra du réalisateur Philippe Collin : « Je [n’ai] jamais autant pensé [aux ready-made] que maintenant, parce que pendant une période de trente ans personne n’en a parlé, ni moi non plus. C’était un peu oublié, simplement ; et ça reparaît maintenant. Et puis, dans cinq ou six ans, on n’en reparlera plus. » Un an avant sa disparition, Duchamp est encore un artiste discret, un artiste pour artistes que les États-Unis connaissent (un peu) et que la France ignore (totalement). Une fois n’est pas coutume, ce jour-là, Marcel Duchamp se trompe : non seulement cinq ou six ans après on parlerait encore des ready-made mais ces derniers allaient devenir – et l’artiste avec eux – le paradigme de l’avant-garde artistique. La prophétie d’Apollinaire était donc en marche : « Il sera peut-être réservé à un artiste aussi dégagé de préoccupations esthétiques, aussi préoccupé d’énergie que Marcel Duchamp, de réconcilier l’Art et le Peuple. » Réconcilier l’art et le peuple ? En réalité, pas vraiment. Car nul autre héritage divise le public autant que le sien, la vie et l’œuvre de Duchamp étant brandies à la fois par les partisans et les adversaires de l’art contemporain. Quand les premiers crient au génie, les seconds aboient à l’escroquerie ! Duchamp serait le premier étonné d’apprendre que l’œuvre confidentielle d’un homme qui n’a « pas eu du tout une vie publique » [il faut relire ses entretiens avec Pierre Cabanne réédités chez Allia, 160 p., 15 €] a pris aujourd’hui une place essentielle dans le débat artistique. Comme il serait surpris de voir par quel retournement ce qui n’était que boutade et provocation en 1917 – Fontaine, fameux urinoir et objet du litige – est devenu l’œuvre phare du XXe siècle. Le principe même du ready-made (choisir un objet en dehors de toute considération de goût), à trop avoir été dupliqué, plagié, détourné, analysé, commenté, loué, vilipendé, etc., avec parfois plus ou moins de bonheur, étant devenu une norme en matière d’esthétique. Ce dont se défendait Duchamp ! C’est dire si l’exposition « Marcel Duchamp, La peinture même », qui ouvre ses portes au Centre Pompidou le 24 septembre, est attendue. Elle propose, dit sa commissaire, « une approche inédite sciemment paradoxale en montrant les tableaux de celui qui, selon la doxa moderniste, a tué la peinture ». Voilà qui devrait donc redistribuer les cartes en revenant enfin aux sources. Cette exposition aurait peut-être amusé Duchamp, comme les moustaches roses dont nous affublons, à notre tour, la Joconde en couverture de ce numéro. Manière pour nous de souligner que, cent ans après les premiers ready-made (la Roue de bicyclette date de 1913 et la trouvaille du mot de 1915), c’est moins la peinture qui a chaud aux fesses que Duchamp. Ou, pour être exact, l’interprétation que l’on en fait .
CHAUD DEVANT
« Il y a urgence ! », alertent la chambre de commerce et d’industrie de la région Paris Île-de-France et Paris capitale économique. Paris serait, selon un rapport récent, en perte de vitesse en matière de croissance, d’investissement et d’attractivité, y compris touristique et culturelle. « Si rien ne change, Paris Île-de-France, aujourd’hui classée 3e mondiale en termes de PIB et 1re en Europe, sortira dans 10 ans du top 5 des métropoles mondiales », préviennent les rapporteurs, que le classement du cabinet PricewaterhouseCoopers est venu, dans la foulée, conforter en faisant reculer Paris de la 4e à la 6e place sur le podium des villes les plus attractives. On ne peut donc que se réjouir du nombre et de la qualité des expositions annoncées cet automne : Marcel Duchamp bien sûr, mais aussi Niki de Saint Phalle, Sonia Delaunay, Sade, les Mayas, Jeff Koons, le Pérugin, Émile Bernard… Autant d’événements qui devraient accroître l’attractivité de Paris, notamment durant la Fiac et ses foires off (dont les nouvelles venues : (OFF)ICIELLE et Attitude) en octobre. La période sera d’autant plus attractive que trois institutions très attendues (r)ouvriront leurs portes au moment de la Fiac : le Musée Picasso – enfin ! –, la Monnaie de Paris et la Fondation Vuitton, avec, prévient l’éditorial du Journal des Arts, un risque : celui d’un « embouteillage » événementiel. Qu’à cela ne tienne, je vous souhaite une bonne rentrée. Embouteillée !
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Il.H.O.O.Q. - Chaud devant
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°671 du 1 septembre 2014, avec le titre suivant : Il.H.O.O.Q. - Chaud devant