Déploiement…Samedi 22 septembre, les visiteurs du Louvre ont découvert, sous le voile ondulant de maille métallique dessiné par Mario Bellini et Rudy Ricciotti, le nouveau département des arts de l’Islam du Musée. Le 14 octobre 2002, le président Chirac l’avait annoncé en ces termes : « J’appelle de mes vœux […] l’ouverture au Musée du Louvre d’un nouveau département, un département des arts de l’Islam qui confortera la vocation universelle de la prestigieuse institution. » Dix ans plus tard, ce vœu est exaucé : près de 3 000 pièces sont présentées dans un département flambant neuf de 3 000 m2 pour un chantier qui aura avoisiné les 100 millions d’euros. Si l’on considère que près de 60 % de la facture a été réglée par le mécénat (dont 26 millions offerts par des États étrangers : Maroc, Koweït, Oman et Azerbaïdjan), les arts de l’Islam se révèlent être une opération rentable qui permet : de déployer une partie des 18 000 pièces des arts de l’Islam qui dormaient inexplicablement dans les réserves du Louvre ; d’aller chercher de nouveaux visiteurs du côté des pays du Maghreb et du Moyen-Orient ; d’envoyer un signal fort en direction des Émirats arabes unis et de leur générosité peu avant l’ouverture, prévue pour fin 2013, du Louvre Abu Dhabi… Et de diffuser un message d’universalité, sinon de paix, dans le monde de l’après-11 Septembre 2001. En juin dernier, L’œil expliquait en effet comment les grands vaisseaux amiraux occidentaux (le V&A en 2006, le Met en 2011 et désormais le Louvre) tentent de renouveler le regard porté sur le monde islamique tout en invitant ce dernier à considérer autrement le monde occidental. Mais le chemin vers la tolérance reste semé d’embûches. Le 17 septembre, jour de l’inauguration officielle, lorsqu’il qualifiait les arts de l’Islam au Louvre de « geste politique au service de l’harmonie, du respect et de la paix », le président Hollande n’ignorait pas qu’au même moment, des pays musulmans s’embrasaient à cause d’une vidéo américaine islamophobe…
Repliement… Mais le déploiement des collections d’arts de l’Islam du Louvre préfigure aussi ce qui devrait être une tendance lourde pour les musées : le repli des institutions sur leurs propres collections. Dans une exposition à valeur de manifeste intitulée « Le temps des collections, une proposition nouvelle pour repenser l’usage du musée », Sylvain Amic, le directeur des Musées de Rouen, appelle ses confrères à la mobilisation et à « faire un effort de créativité » : « Compte tenu de l’inévitable saturation des expositions et des mouvements d’œuvres, l’enjeu de la fréquentation des collections est […] cardinal pour le futur des musées. » Soit. Après plusieurs années de surenchère d’expositions temporaires, l’effort est donc à fournir en direction des salles d’expositions permanentes, ce qui, dans le contexte budgétaire actuel – une baisse de subvention de 2,5 % pour le Quai Branly et de 8,39 % pour le Musée de l’Armée –, s’impose. Si la Rmn-Grand Palais annule, faute de financements, les expositions « Robert Indiana » et « Monumenta », Alain Seban, le président du Centre Pompidou, dont le budget 2013 accuse une baisse importante, sait qu’il va devoir lui aussi couper dans sa programmation. Mais il le jure, il ne touchera pas au réaccrochage de ses collections prévu pour 2013. « Dans la conjoncture présente, la plus difficile que l’on ait jamais rencontrée, il faut imaginer de nouvelles pistes afin de mettre davantage nos collections en avant, défend le président. Nous pouvons par exemple songer à des dépôts croisés entre les musées. » Une autre piste sera de créer l’événement dans les salles permanentes, ce que Beaubourg sait déjà faire à travers la présentation thématique de ses collections (« elles@centrepompidou » en 2009). À Paris comme en régions, les musées se préparent donc à traverser une période difficile qui va leur demander davantage d’inventivité (notamment dans la pédagogie) et de cohésion pour rester attractifs. Un trauma pour les établissements ? Sans aucun doute. Une aubaine pour les collections ? Peut-être. Une nouvelle ère en tout cas.
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Déploiement… Repliement…
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°651 du 1 novembre 2012, avec le titre suivant : Déploiement… Repliement…