Après les hypothèses générales et abstraites, voici la réalité concrète. Jamais un ministre de la Culture ne s’était trouvé dans une telle situation.
En 1981, le bienheureux Jack Lang avait vu le budget de la Rue de Valois brusquement doubler. Nous n’en sommes plus là. Le projet de loi de finances va conduire à des révisions douloureuses sur le terrain. Déjà, le président du Centre Pompidou, Alain Seban a annoncé qu’une baisse de sa subvention le conduirait à sacrifier des projets d’exposition. La crise économique et financière, le poids de la dette publique conduisent à annuler de lourds projets, déjà contestés dans leur finalité, et à en retarder d’autres. Plus généralement, les difficultés d’aujourd’hui devraient conduire à ne plus fuir une question essentielle : à quoi sert, aujourd’hui, le ministère de la Culture, quelles sont ses missions ? Les prédécesseurs d’Aurélie Filippetti ont souvent préféré faire le dos rond en se laissant porter par une fonction de représentation – la lecture de leur agenda hebdomadaire était parfois édifiante – ou n’ont pas disposé de la durée pour traiter cet enjeu épineux et crucial. La crise pourrait être l’aiguillon de cette réflexion indispensable et de l’action à engager.
Nous ne pouvons souscrire à la dernière livraison simpliste, caricaturale et brutale à ce sujet. Dans une tribune publiée par Le Monde, les auteurs de Der Kulturinfarkt (L’infarctus culturel), aux éditions Knaus Albrecht, recommandent aux pouvoirs publics européens de renoncer à financer la moitié des institutions culturelles afin de « développer avec les fonds ainsi libérés d’autres champs culturels ». Pourquoi la moitié et non 40 % ou 60 % ? La comptabilité n’est pas précisée. On peut partager certains des éléments du diagnostic de ces auteurs – l’extension des moyens ne peut être la seule logique, comme pour d’autres budgets ministériels du reste – mais considérer néanmoins qu’affirmer « qu’une politique culturelle orientée vers l’avenir doit s’adapter à une époque post-institutionnelle » est bien flou et attire facilement l’anathème de reaganisme ou aujourd’hui de « Paul Ryanisme ».
Plus sérieusement, il importe que le ministère réaffirme des choix, précise ses objectifs et redéfinisse son socle régalien d’intervention : le patrimoine, la création et l’éducation. Comment et selon quels critères les soutenir et favoriser leur accès par le plus grand nombre ? Comment revoir le partage des rôles avec les collectivités locales et le secteur privé, plus investis dans le champ culturel qu’il y a trente ans ? Il faut bâtir un nouveau cadre, mais connaître aussi finement la réalité du terrain afin de distinguer le bon grain de l’ivraie. Il faut également adopter une stratégie pour ne pas céder devant des groupes de pression défendant des intérêts trop particuliers. Sinon le chantier ouvert s’embourberait dans le dogmatisme et le favoritisme.
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À cœur ouvert
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°376 du 5 octobre 2012, avec le titre suivant : À cœur ouvert