Bien plus importante que son titre ne le laisse penser, l’exposition du Louvre propose une nouvelle lecture du génie du maître à travers son «Â ultime chef-d’œuvre »Â : la Sainte Anne.
Quoique célèbre depuis sa création, la Sainte Anne, peinte par Léonard de Vinci (1452-1519), a toujours soulevé de multiples interrogations, tant d’un point de vue iconographique qu’iconologique. La restauration du panneau ayant permis de faire plusieurs découvertes historiques et scientifiques, le Musée du Louvre se propose de les dévoiler dans une exposition articulée autour de deux idées. La première met l’accent sur le long cheminement de la pensée de Léonard de Vinci pour atteindre la solution la plus parfaite, la seconde souligne la fascination exercée par la Sainte Anne sur les artistes depuis sa genèse jusqu’au XXe siècle. Cent trente et une pièces – dessins préparatoires, cartons, copies d’atelier, œuvres influencées par la composition et documents d’archives – sont ainsi présentées au public.
La Sainte Anne : l’œuvre-testament de Léonard de Vinci
Lorsque Léonard de Vinci rentre à Florence en 1500, après un long séjour à Milan (1482/83-1499), il jouit d’une immense notoriété. Malgré son absence, il veut marquer son retour de façon spectaculaire. Pour démontrer son génie et asseoir sa réputation sur la scène artistique la plus brillante d’Italie, la première œuvre qu’il se met à concevoir est la Sainte Anne . Le choix n’est pas anodin, elle est la protectrice de la République depuis le XIVe siècle et, surtout, depuis que les Médicis ont été chassés de la ville, en 1494.
Il s’agit d’un défi tant iconographique, puisque le sujet n’a pas de réalité historique, sainte Anne étant morte bien avant la naissance du Christ, que plastique, comme en témoigne la volonté de transformer la composition figée d’un sujet apparu au XIIIe siècle en une action dynamique et naturelle au sein d’un paysage.
L’élaboration lente et complexe de l’œuvre prouve combien la Sainte Anne est le tableau le plus ambitieux de l’artiste, le plus réfléchi picturalement et scientifiquement. Elle représente l’aboutissement de ses recherches sur la perspective, le paysage, la géologie, l’anatomie… Il s’agit de son ultime chef-d’œuvre, de son tableau-testament sur lequel il travaille pendant près de vingt ans, jusqu’à la fin de sa vie.
Cette peinture, qui le suit en France et qu’il laisse inachevée à sa mort, tend à suggérer, comme pour plusieurs autres de ses œuvres, qu’il n’y a pas eu de commanditaire. En effet, à ce jour, aucune preuve n’a été trouvée, et cela en dépit des diverses hypothèses formulées, comme celles de Louis XII, de la République de Florence ou encore des Serviti.
Le caractère novateur du tableau, à l’origine du renouveau du langage artistique, marque l’ouverture de la Haute Renaissance. La monumentalité et la puissance des expressions naturelles suscitent chez les contemporains, notamment chez Michel-Ange, Raphaël et Piero di Cosimo, une grande fascination, voire chez d’autres, et cela à travers les siècles, la volonté délibérée de copier le maître.
Le cheminement de Léonard à travers ses versions d’atelier
Si au XVIe siècle, le terme de copie est honorable, aujourd’hui, comme l’explique Vincent Delieuvin, commissaire de l’exposition, « on préfère parler de version d’atelier, parce qu’il se dégage un côté négatif dans ce qu’on associe au terme copie ». La copie est une pratique courante dans les ateliers à l’époque de Vinci. Dans son Traité de la peinture, il conseille lui-même de copier les meilleurs maîtres. De toutes les compositions de l’artiste, qu’il s’agisse de la Vierge au fuseau, de la Léda, de La Joconde, du Saint Jean-Baptiste… il existe des copies, ou ritratti, pour reprendre le terme qu’emploie Pietro da Novellara dans ses correspondances avec Isabelle d’Este, et qui précise que de temps en temps le maître corrige certains éléments.
Le tableau de la Sainte Anne est un cas particulier, car lui-même a longtemps été considéré comme une copie d’atelier conçue par le maître et peut-être retouchée par lui. S’agissant d’une composition très complexe, que Léonard n’a cessé de perfectionner, six copies contemporaines ont été dénombrées à ce jour, probablement issues de l’atelier.
Néanmoins, il est important de souligner qu’elles ne reproduisent pas le tableau, dont on connaît seulement une copie datant probablement du XVIIe siècle, mais les dessins, auxquels Léonard a renoncé au cours de l’exécution. Leur étude au laboratoire révèle qu’elles-mêmes ont des repentirs. Les copies sont donc extrêmement précieuses, car comme le souligne Vincent Delieuvin : « Grâce à elles, on arrive à comprendre le cheminement intellectuel de Léonard de Vinci sur le thème de la Sainte Anne. » Elles témoignent ainsi des différentes solutions formelles et iconographiques successivement envisagées par l’artiste et traduisent l’obstination du maître. Si les noms des élèves posent problème, deux reviennent cependant : Salai et Francesco Melzi, quoique difficiles encore aujourd’hui à distinguer.
1499
Hypothèse : Louis XII, roi de France
et duc de Milan, commande à Léonard une Vierge à l’Enfant avec sainte Anne, hommage à Anne de Bretagne qu’il vient d’épouser.
Vers 1500
Esquisse de la Vierge à l’Enfant avec sainte Anne, dit carton de Burlington House.
1501
Première mention de la Vierge à l’Enfant avec sainte Anne dans la correspondance d’Isabelle d’Este.
1503
Léonard entreprend le portrait de la Joconde.
1516
Vinci emmène le tableau avec lui en France,
au Clos Lucé.
1518
Salai, son apprenti, en hérite après la mort du maître et le vend à François Ier.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Léonard de Vinci ce que révèle le Louvre
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°645 du 1 avril 2012, avec le titre suivant : Léonard de Vinci ce que révèle le Louvre