Soho, 1993. Le marché de l’art grimace, sonné par la crise. Quand elles ont de la chance, les galeries font le dos rond et attendent. Les autres plient boutique.
C’est pourtant le moment que choisit David Zwirner, 30 ans à peine, fraîchement débarqué d’Allemagne, pour ouvrir la sienne. Première exposition et premier événement : l’Autrichien Franz West. Suivent bientôt Stan Douglas, Jason Rhoades et Luc Tuymans, tout juste déniché à la Documenta de Kassel et arraché sans complexe aux appétits des aînés.
Dix-huit ans plus tard, Tuymans et Douglas font toujours partie de l’écurie. Zwirner, pour sa part, a gardé sa longue silhouette juvénile, mais a largement épaissi son affaire : trente-huit artistes, une soixantaine d’employés, trois espaces, 3 000m2 d’exposition à Chelsea (New York), en attendant une extension promise pour 2012. Thomas Ruff, Francis Alÿs, Adel Abdessemed, Neo Rauch, Marlene Dumas sont venus grossir et bétonner les rangs, sans compter les juteuses successions de Donald Judd ou Dan Flavin, et une solide occupation de terrain côté second marché.
« Je crois qu’il est important de ne pas avoir un style de galerie, explique-t-il au Wall Street Journal en 2009. Nous ne défendons pas une esthétique unique. Nous avons Lisa Yuskavage et On Kawara – un sacré écart. Les deux bénéficient d’une grande notoriété, mais sont très différents esthétiquement ; je trouve ça très vivifiant pour la galerie et plus intéressant pour les clients. »
Zwirner, marchands d’art de père en fils
Si l’entreprise talonne de près la superpuissance Gagosian, l’howlui, cultive habilement le style low profile : rythme précautionneux, goût des historiques et réputation de fidèle. Au point, dit-on, de bichonner davantage ses artistes que ses collectionneurs. Et les artistes, ça le connaît ! Biberonné à Polke, Cy Twombly et Richter dans la célèbre galerie de son père Rudolf Zwirner à Cologne, le jeune David a littéralement grandi avec eux. Et la route, quoiqu’un poil hésitante, aura été marquée du sceau de l’impatience.
Cordon coupé dans les années 1980 : le jeune homme se rêve musicien de jazz et file à l’université de New York. Il sera batteur. « J’étais bon, mais pas assez », avoue-t-il. Mariage et vie de famille le ramènent alors en Allemagne, à Hambourg, où il se taille une jolie place de découvreur de talents pour un label musical. Mais l’art le rattrape bien vite. « J’ai réalisé que j’avais non seulement enregistré beaucoup d’informations sur l’art, mais qu’en plus, je m’y intéressais vraiment ! », confesse-t-il en mai dernier dans Art Auction.
C’est d’abord en collectionneur, avec Bernd et Hilla Becher, Pink et Hanne Darboven, que Zwirner fils affranchit son œil de Zwirner père. Ne reste plus qu’à s’émanciper du continent. Le père ferme ici en 1990. Le fils ouvre là-bas en 1993. Voilà le chapitre dynastique dûment évacué. Et on sait que le bonhomme peut être chatouilleux sur la question : « Ma galerie n’a rien à voir avec celle de mon père, insiste-t-il. Je n’ai hérité de rien. Je suis arrivé et j’ai démarré ma propre affaire. Je devais trouver ma propre écurie d’artistes et développer ma propre vision. » Mais à regarder les manières attentives du marchand, une chose est sûre : David Zwirner continue de grandir avec les artistes.
1964
Naissance
en Allemagne.
1993
Ouvre la galerie David Zwirner.
2000
Fonde, avec Iwan Wirth, la galerie Zwirner and Wirth.
2011
14e au palmarès des 100 personnalités les plus influentes du monde de l’art établi par Le Journal des Arts.
www.davidzwirner.com
La galerie Zwirner est présente du
20 au 23 octobre à la Fiac, stand O.B30
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David Zwirner - un européen à New york
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°640 du 1 novembre 2011, avec le titre suivant : David Zwirner - un européen à New york