BOSTON / ÉTATS-UNIS
Sous-titrée « Le plus grand cambriolage de l’histoire de l’art », cette série documentaire diffusée sur Netflix revient sur ce vol hors norme qui a vu disparaître, entre autres chefs-d’œuvre, la seule marine connue de Rembrandt.
Cette nuit-là, dans les rues de Boston (Massachusetts), c’est l’effervescence. La ville fête la Saint-Patrick. Pendant que la population est en liesse, deux hommes déguisés en policiers municipaux stationnent dans une berline devant l’Isabella Stewart Gardner Museum. Ils seront les auteurs du « plus grand cambriolage de l’histoire de l’art ». Plus de trente ans après les faits, les œuvres dérobées demeurent introuvables.
« Vol au musée », réalisé par Colin Barnicle et diffusé sur Netflix, se propose, en 4 épisodes de 50 min, de poser un regard neuf sur une affaire classée. Comme quelqu’un qui rouvrirait le dossier après de nombreuses années et réétudierait méthodiquement chacune des pistes dans l’espoir d’en tirer un nouvel indice.
L’enquête s’ouvre par une remise en contexte. Avant son cambriolage, l’Isabella Gardner Museum est un musée assez confidentiel. Construit en 1899 selon une architecture s’inspirant des palais vénitiens du XVe siècle, il est un écrin spécialement conçu pour la collection d’Isabella Stewart Gardner (1840-1924). Dans l’esprit de la mécène, le musée et ses collections forment une œuvre à part entière. Aussi spécifiait-elle, dans son testament, que l’ensemble ne devait souffrir d’aucun changement permanent, et que si tel n’était pas le cas, les œuvres devaient être vendues et l’argent revenir à Harvard. Aurait-elle pu seulement imaginer que son musée soit un jour cambriolé ?
À grand renfort d’images d’archives, de reconstitutions et témoignages, le documentaire nous plonge dans le déroulé de cette nuit du 17 au 18 mars 1990. Il est 1 heure du matin passée lorsque deux policiers se présentent à la porte du musée. Cette nuit-là, un gardien négligent les laisse passer le sas de sécurité. Les deux employés du musée se retrouvent rapidement ligotés avant de s’entendre dire : « Messieurs. Ceci est un braquage ! » Les malfrats passent 81 minutes dans les salles du musée. Ils emportent treize œuvres : un Manet ; trois Rembrandt dont Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée, seule marine connue du maître ; Le Concert de Vermeer ; un paysage de Govert Flinck ; cinq études dessinées de Degas ; un gobelet chinois en bronze du XIIe siècle av. J.-C. ; et enfin, un fleuron en forme d’aigle que les ravisseurs prirent le temps de dévisser d’un drapeau napoléonien. Une sélection qui ne manqua pas d’interpeller les enquêteurs. Les toiles les plus grandes furent découpées, tandis que les plus petites furent ôtées de leur cadre.
Ce n’est qu’au matin que les faits sont découverts. Les malfaiteurs se sont évanouis dans la nature avec un butin estimé à un demi-milliard de dollars, emportant également les cassettes de la vidéosurveillance. Les preuves matérielles et scientifiques sont à l’époque relativement minces – comme le rappelle l’un des intervenants, les techniques d’investigation ont beaucoup évolué depuis 1990.
Une fois pointées les failles de sécurité de l’établissement, restent des spéculations sur le choix des œuvres et sur la finalité d’un tel vol : s’agissait-il de la commande d’un collectionneur peu scrupuleux ? Le but était-il d’obtenir une garantie financière ou une monnaie d’échange pour faire sortir quelqu’un de prison ? La suite du documentaire s’attache à suivre différentes pistes, remontant le fil des hypothèses selon le matériel disponible. Il est cependant difficile de faire revivre un événement datant de trente ans, et les images d’archives tendent à se répéter.
C’est surtout dans la galaxie des personnes interviewées (avocats, procureurs, journalistes, agents du FBI, anciens employés du musée, proches de suspects…) que le documentaire trouve sa saveur. Myles Connor par exemple, qui se vante d’être l’un des plus grands voleurs d’art de la ville, apparaît comme le coupable idéal. Mais, du côté de la mafia italienne, nombreux sont ceux à avoir été également soupçonnés d’être impliqués… et ayant disparu depuis. L’incertitude domine. « Tant que nous n’avons pas les tableaux, tout n’est qu’hypothèse », conclut Robert Fisher, procureur adjoint. Le film pose donc davantage de questions qu’il ne trouve de réponses et laisse le spectateur perplexe.
La force de Netflix est, malgré tout, de réussir à produire trois heures vingt d’une enquête prenante, divertissante. Le tout étant servi par un montage rythmé, malgré quelques redondances, et une photographie soignée. Certains trouveront la musique très (trop ?) présente, dénotant ici d’une production « à l’américaine » peu subtile dans l’usage du fond sonore. Cependant cela fonctionne, et on se prend à espérer que ce nouveau coup de projecteur permette de faire avancer les investigations et de remplir des cadres restés désespérément vides.
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« Vol au musée » Isabella Stewart Gardner, à Boston en 1990
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Vermeer, The Concert, 1658-1660
Rembrandt, The Storm on the Sea of Galilee, 1633
Rembrandt, A Lady and Gentleman in Black, 1633
Rembrandt, Self-Portrait, ca. 1634
Manet, Chez Tortoni, 1878-1880
Govaert Flinck, Landscape with an Obelisk, 1638
Degas, La Sortie de Pesage
Degas, Three Mounted Jockeys
Degas, Cortège aux Environs de Florence
Degas, Program for an artistic soirée, 1884
Degas, Program for an artistic soirée, 1884 (autre version)
Finial in the form of an eagle gilt metal (bronze), French, 1813-1814
Chinese bronze beaker or Ku Chinese, Shang Dynasty, 1200-1100 B.C
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°567 du 14 mai 2021, avec le titre suivant : « Vol au musée » Isabella Stewart Gardner, à Boston en 1990