Un gros volume toilé, soigneusement édité, sous coffret, réunissant quelque cent quinze œuvres, soigneusement appariées par l’auteur selon un ordre agencé « par sympathie, malice ou naïveté » et un important essai en onze chapitres, tout à la fois réflexion sur les dispositifs scéniques et perspectifs des images, leurs coloris, leurs significations, l’écho qu’elles éveillent chez ce « spectateur des peintures » qu’est l’auteur. Mais ici pas de théorie de l’art, pas de collection se voulant définitive de chefs-d’œuvre absolus. Plus que d’un musée imaginaire à la Malraux, c’est véritablement d’une maison qu’il s’agit ici – avec ce que cela implique d’intimité quotidienne, de mélancolie habituelle, de ressassements familiers – mais d’une maison perçue au sens de ces « lieux » qui servaient de support aux arts de la mémoire qu’a superbement analysés Frances Yeats dans un ouvrage incontournable. Chaque œuvre sélectionnée semble tenir pour l’auteur tout à la fois du repère, du révélateur, du support d’émotion, de sensation ou de pensée. C’est cette identité qui semble relier, par-delà les siècles, les techniques et les sujets, les peintures rupestres de la grotte Chauvet aux allégories des vices de Giotto de la chapelle des Scrovegni de Padoue, au portrait photographique de Francis Bacon par John Deakin, aux fresques de Piero della Francesca, aux toiles de Kandinsky et de Goya et aux nombreux labyrinthes reproduits dans ces pages. On retrouve, au passage, la diversité des champs d’intérêts de Jean Louis Schefer dont témoignent ses précédents ouvrages – et qui vont du cinéma (celui de Chris Marker), à Paolo Uccello, Chardin, Tàpies, saint Augustin...
On retrouve aussi ici la dimension d’analyse intime, le goût de l’analogie et des métamorphoses incessantes qui transparaît dans les « mains courantes » (journaux intimes par année) publiées depuis quelques années chez POL.
Jean Louis Schefer, Une maison de peinture, éditions Énigmatic, Bruxelles, 324 p., 150 euros.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Une maison de peinture
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°558 du 1 mai 2004, avec le titre suivant : Une maison de peinture