Les monographies sur les photographes revêtent souvent la forme d’un beau catalogue d’images légendées ou celle du récit biographique.
Le Jeff Wall de Jean-François Chevrier tire, lui, franchement du côté de l’essai. Un genre bien adapté à l’œuvre du photographe canadien, beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
À la première personne du singulier
Jeff Wall (il vient d’avoir soixante ans) ne fabrique pas de la « belle image » humaniste ou plasticienne. Sa brève expérience d’artiste conceptuel puis sa formation d’historien de l’art ont laissé leurs marques. Son projet est ambitieux et vise à « reconstituer la tradition picturale sans les moyens de la peinture ».
Et du reste, le livre s’ouvre sur une analyse d’une photographie que l’on pourrait qualifier de « manifeste » dans son œuvre : Picture for Women (1979). Cette interprétation d’Un bar aux Folies Bergères de Manet appartient à son répertoire cinématographique (l’autre étant le répertoire qualifié de documentaire), celui qui a fait son succès. L’artiste met en scène des situations sociales banales, une forme d’interprétation théâtrale. Très influencé par le cinéma (Godard, Bergman, Pasolini), il s’est même consacré un temps à l’écriture de scénarios.
Les caissons lumineux qu’il a longtemps utilisés pour présenter ses photographies et qui sont presque une signature, ont beaucoup fait pour élever la photo au rang des œuvres d’art reconnues par le marché. L’auteur relève à ce propos (on ne dira jamais assez combien il est important de voir les œuvres « en vrai »), que sa compréhension de Park Drive, une route dans une forêt, a été totalement modifiée lorsqu’il a été confronté à la photo dans son caisson. Auparavant il n’en avait vu qu’une reproduction sur papier.
Car l’auteur donne volontiers son point de vue, utilisant la première personne du singulier, ce qui est assez rare aujourd’hui chez les critiques d’art. Il a découpé son propos en une vingtaine de petits essais abordant chacun un angle particulier de l’œuvre. Jean-François Chevrier, historien d’art spécialiste de la photographie, connaît bien Jeff Wall pour l’avoir interviewé à plusieurs reprises. Ses analyses se nourrissent à la source.
L’auteur est aussi agrégé de lettres et aime le montrer. Il multiplie les références et les analyses croisées. Autant dire qu’il faut parfois s’accrocher pour le suivre. Et même si ses essais prennent appui sur le travail et le parcours de Wall, l’ouvrage est loin d’être un livre d’introduction.
Jean-François Chevrier, Jeff Wall, Hazan, 2006, 440 p., 55”‰€.
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Tout Wall en vingt essais robustes et personnels
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°591 du 1 mai 2007, avec le titre suivant : Tout Wall en vingt essais robustes et personnels