Ravissement

Ravissant donc, mais aussi intelligent : Ravissement, sous-titré « Les représentations d’enlèvements amoureux dans l’art de l’Antiquité à nos jours », passe en revue les différentes représentations, peintes et sculptées, du rapt dans l’histoire de l’art. C’est Hélène, la plus belle femme de l’univers, qui est enlevée par Pâris, prince troyen ; Perséphone qui est enlevée par Hadès, ou encore Europe kidnappée sur une plage par Zeus métamorphosé en taureau. Ce sont aussi les Sabines, femmes des Sabins, enlevées par les Romains, et bien d’autres histoires allégoriques comme celles-ci qui font le sel de l’histoire de l’art (Proserpine, Ganymède, etc.). Pourquoi le sel ? Parce que la représentation de l’enlèvement est aussi celle du désir sexuel et le prétexte pour peindre et sculpter des corps, féminins et masculins, nus. Jérôme Delaplanche, auteur du livre, revient sur ces différentes histoires, essentiellement mythologiques, tout en analysant une à une les solutions plastiques que leur ont apportées les artistes en leur temps : Praxitèle, Titien, Rubens, Poussin, Delacroix, Carrier-Belleuse, Bonnard, Masson, Picasso… Avec pertinence, il replace ces représentations dans le contexte intellectuel et moral de leur époque. Ainsi l’enlèvement des Sabines est-il à la fin du Moyen Âge considéré « comme une action patriotique, nécessaire à la fondation de la nation », puis, à la Renaissance, comme « le paradigme du mariage ou des noces ». Si le thème veut indéniablement conforter une dite supériorité des hommes sur les femmes, il fonctionne comme un « stimulant érotique ». L’ouverture du livre, dans laquelle l’auteur interroge la misogynie de ces représentations et sur la lecture féministe de l’histoire, n’est pas la partie la moins intéressante. Ni la moins polémique.