Quand Notre-Dame brûle les étapes

Il s’agirait désormais d’écouter ce que Notre-Dame a à nous dire. Car Notre-Dame hurle, souffre. « Du choc à la mobilisation » : après les larmes, place au bilan des dégâts et à l’action donc. Si l’émotion nationale est à l’origine d’un phénomène d’entraide spontané, est-elle réellement derrière nous ? Au-delà des multiples débats français médiatiques, ce livre a au moins le mérite de valoriser les divers corps de métiers artisanaux engagés et la qualité des matériaux employés – l’incontournable flèche n’ayant pas le monopole du vaste chantier. Chercheurs, scientifiques, artisans et techniciens sont réunis sous l’égide du CNRS et du ministère de la Culture autour de neuf thématiques : « Acoustique », « Bois et charpente », « Décor monumental », « Émotions et mobilisations », « Métal », « Numérique », « Structures », « Pierres » et « Verre ». L’expertise de ces groupes transparaît d’emblée à travers une méthode rigoureuse : analyser, documenter et inventorier les œuvres afin de les nettoyer et de les conserver au mieux par la suite. Enfin, évidemment, l’enjeu principal est de restaurer ces pièces, ou bien de les reconstituer lorsque cela est possible grâce à des restitutions virtuelles. Force est d’admettre en effet que la connaissance du bâtiment ne peut être qu’enrichie par une telle démarche. On espère ainsi que les prochains visiteurs seront davantage sensibles aux trésors que recèle ce monument, témoin de notre histoire, à l’instar de ses vitraux, s’échelonnant du XIIe (trois roses) au XXe siècles (verrières de Jacques Le Chevallier). Néanmoins, cette « plongée dans le passé (qui) ne parle que d’avenir » brûle inévitablement les étapes. La vitesse, l’urgence toujours, régit un chantier qu’on se hâte de terminer pour tenir des délais (soi-disant « exceptionnels »), imposés par d’autres besoins que ceux de l’édifice même. Serait-ce cette même précipitation qui aurait fait omettre aux éditeurs la mention des auteurs à la fin de chaque article ? Sommes-nous à la hauteur de ce chef-d’œuvre gothique ayant survécu aux tempêtes, aux révolutions et aux guerres ? Cinq années de travaux face à ces neuf siècles d’histoire. Bien minuscules pour notre grande dame.