Un ouvrage retrace l’histoire du parcours hors du commun d’un des grands ensembles du XVIIIe siècle français, installé depuis 2014 dans les salles des Arts décoratifs.
Il règne presque un parfum de nostalgie autour de la spectaculaire restauration de la coupole de Callet, au Louvre. Avec les décors de la Chancellerie d’Orléans provenant de la destruction de l’hôtel Voyer d’Argenson que les Archives nationales sont en train de remonter, c’était le dernier grand ensemble du XVIIIe siècle à être conservé en caisses.
L’idée de remonter la coupole d’Antoine François Callet (1741-1823) n’est pas nouvelle. Régulièrement évoquée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il fallait une occasion et un espace. La coupole avait déjà été sauvée au moins deux fois : elle échappe en 1846 à la destruction du pavillon des « Petits Appartements » du prince de Condé au palais Bourbon (le pavillon se trouvait dans le jardin de l’actuel hôtel de Lassay, aujourd’hui résidence du président de l’Assemblée nationale), et en 1945 au dynamitage des propriétés de Göring à Ringenwalde et à Carinhall. Par miracle, l’historienne d’art Rose Valland apprit en 1947 que quelques œuvres avaient été évacuées et entreposées dans un « dépôt clandestin » à Berlin : La Baigneuse de Houdon issue de la collection Dreyfus, Madame de Pompadour en Amitié de Pigalle saisie dans la collection Édouard de Rothschild, et ce que l’on pensait alors être le « Plafond de Bagatelle » acquis en 1941 par Hermann Göring auprès de marchands parisiens.
Une coupole restaurée en atelier
Les treize caisses monumentales revenues en France en 1948 patientèrent longtemps – seule une d’entre elles fut ouverte en 1979. C’est seulement lors de l’étude de faisabilité réalisée en 2009 à Châlons-en-Champagne que les dimensions exactes de la coupole furent connues. Son état de conservation fut alors jugé satisfaisant malgré les vicissitudes de l’histoire, entre le décollage de la peinture de son support en 1846, et sa transposition et découpage – en 1914 les toiles roulées auraient été retrouvées dans un grenier et confondues alors avec des stores. Le constat de 1948 était donc juste : « Le plafond de Bagatelle a peu souffert ; les paysans avaient enlevé quelques parties de l’armature en bois pour faire du feu, mais dans l’ensemble il est intact. »
L’ouvrage, fort riche, fait la part belle à l’histoire de l’art, mais témoigne aussi d’un chantier de restauration hors norme. Les images sont passionnantes et rendent compte de toutes les étapes. En raison de sa taille, il n’était pas possible en effet de réaliser le travail in situ ; les restaurateurs se sont installés dans un atelier aux portes de la forêt de Rambouillet où la coupole a été partiellement restaurée et entièrement remontée à blanc, avant d’être à nouveau découpée en tranches et transportée au Louvre. Ce n’est qu’après son installation dans la future salle Breteuil que la reprise de la réintégration picturale a été réalisée. Anthony Pontabry, cheville ouvrière du projet, explique d’ailleurs que « le véritable enjeu résidait dans la conception et la création d’une structure capable à la fois de supporter la coupole et de permettre un ensemble de réglages suffisamment minutieux pour assembler au millimètre près les treize tranches de la structure et obtenir ainsi une parfaite continuité dans la composition (p. 140) ».
Le « colifichet »
Au fur et à mesure de cette véritable renaissance de la coupole, Marie-Catherine Sahut s’est entourée de spécialistes du prince de Condé – le texte d’Alexia Lebeurre consacré au décor intérieur des « Petits appartements » est passionnant –, mais elle a surtout mis au jour aux Archives et à la bibliothèque du château de Chantilly un ensemble totalement inédit de documents. Des mémoires épais, passés totalement inaperçus jusque-là, rendent compte du travail des principaux artisans du chantier des Petits Appartements où le prince de Condé demanda au jeune Callet, à peine rentré d’Italie, de réaliser son plafond pour le décor du salon de compagnie. Le choix de l’iconographie consacrée aux amours de Vénus pourrait avoir été inspiré, selon Marie-Catherine Sahut, par la relation passionnée entre le jeune duc de Bourbon, Louis Henri Joseph, qui enleva à l’âge de 15 ans sa cousine de 19 ans, Louise Marie Thérèse Bathilde d’Orléans, pour l’épouser en 1770. Ce mariage poussa le père du duc et prince de Condé Louis Joseph à s’installer dans l’hôtel de Lassay, mitoyen du palais Bourbon, résidence qu’il laissa aux jeunes époux, se réservant aussi l’usage du pavillon des Petits appartements. Les témoignages sont rares, mais dans ses Mémoires secrets, Bachaumont parlait en 1779 d’un « colifichet ingénieux, riche, élégant, plein de recherches voluptueuses » et, cinq ans plus tard, la baronne d’Oberkirch y voyait « un bijou. M. le prince de Condé en a fait le plus joli colifichet du monde ».
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Louvre, le dernier décor du XVIIIe siècle sorti des caisses
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Marie-Catherine Sahut (sous la direction de), coéd. Louvre /Lienart, 2016, 208 p., 39 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°473 du 17 février 2017, avec le titre suivant : Louvre, le dernier décor du XVIIIe siècle sorti des caisses