Deux ouvrages permettent de découvrir les salons d’apparat du Palais de la Légion d’honneur.
Le pauvre prince de Salm aurait bien du mal à reconnaître aujourd’hui le palais qu’il se fit construire entre 1782 et 1790. Affecté en 1804 à la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur (créée deux ans auparavant par Bonaparte), le palais a un peu perdu de sa superbe aristocratique. Ce prince allemand qui voulait se construire un hôtel avec vue sur la Seine et les Tuileries dans un quartier Saint-Germain alors d’allure campagnarde serait fort marri de voir son bijou architectural coincé à l’est par la gare d’Orsay, devenue un musée, et au nord par une voie rapide, que n’empruntent plus les calèches mais des voitures frôlant la façade à peine protégée par un jardinet et une paroi de verre un peu incongrue.
Les révolutionnaires ont une dette envers lui, lui qui en laissa d’ailleurs beaucoup à ses héritiers. D’abord en lui coupant la tête en 1794, puis en incendiant son hôtel en 1871. De sorte que si aujourd’hui subsiste l’enveloppe extérieure néoclassique avec force colonnades et chapiteaux corinthiens, l’intérieur, lui, ressemble maintenant plutôt à un palais de la IIIe République dans lequel chaque chancelier qui s’est succédé, depuis le premier d’entre eux – Lacepède – a plus ou moins laissé sa marque.
Restaurations récentes
L’actuel chancelier (lire son portrait page 35) a entrepris un vigoureux programme de restauration en cinq campagnes – comme il se doit pour un militaire – que n’avaient pas connu les lieux depuis l’entre-deux-guerres. Il concerne surtout le corps de logis côté Seine, autrefois résidence du prince et aujourd’hui pièces d’apparat de la Chancellerie, dont la fameuse rotonde qui confère à la façade qui fait face aux Tuileries un visage gracieux. Le grand vestibule a par exemple retrouvé un état XIXe et le salon de la Rotonde a été nettoyé. Les décors sont d’une richesse incroyable, rehaussés par un mobilier d’époque. Cela, le public ne pourra pas le voir car en dehors des journées du patrimoine, il lui est fermé, sauf à privatiser les lieux, comme cela arrive souvent pour financer les travaux. Les moins fortunés pourront se rabattre sur deux ouvrages édités par Monelle Hayot, spécialiste en beaux livres dans le patrimoine ancien qu’elle publie au compte-gouttes. Le plus ancien (2009) est cependant plus intéressant que le nouveau paru au début de cette année. Toute l’histoire de l’hôtel et de ses prestigieux occupants y est contée, grâce notamment à des illustrations d’époque remarquables : des lithographies du XVIIIe, des photographies des lieux après l’incendie ou une pittoresque photographie de 1910 avec une barque sur un côté de l’édifice, témoin de la crue décennale. Un dernier chapitre clôt l’ouvrage, sur le Musée de la Légion d’honneur, créé en 1925, qui est, lui, accessible gratuitement au public. Si la queue pour entrer au Musée d’Orsay est trop longue, un passage dans ce musée rénové ne sera pas une étape perdue, car avec un peu d’attention, l’examen des décorations du monde entier n’est pas si ennuyeux que cela.
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L’hôtel de Salm à feuilleter
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Abonnez-vous dès 1 €Barreau J., Chefdebien A., Foucart J., Samoyault J.P., L’Hôtel de Salm, Palais de la Légion d’honneur, Éditions Monelle Hayot, 2009, 380 pages.
Palais de Légion d’honneur, la mémoire du lieu, coll. Éditions Monelle Hayot, 2016, 200 pages, 39 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°456 du 29 avril 2016, avec le titre suivant : L’hôtel de Salm à feuilleter