Depuis le XIXe siècle, de nombreuses revues s’intéressent à l’art et aux artistes, parfois dirigées ou utilisées par ces derniers. Un collectif de chercheurs présente un ensemble de cas exemplaires.
Actes de colloque.« Nous nous sommes demandé ce que la presse faisait à l’artiste et à son écriture, et ce que cette interaction faisait à son œuvre », écrit Clément Dessy dans son épilogue à L’Artiste en revues. Publié à la suite du colloque « L’artiste en revues. Fonctions, contributions et interactions de l’artiste en mode périodique » organisé à l’Université libre de Bruxelles en 2013, ce volume réunit les contributions de trente-trois chercheurs dont Laurence Brogniez, Clément Dessy et Clara Sadoun-Édouard qui l’ont dirigé. Bien que la plupart des cas étudiés concernent un artiste ou un groupe d’artistes plasticiens, il y est aussi question des musiciens Richard Wagner, Juan Carlos Paz et Pierre Boulez ou des hommes de théâtre Aurélien Lugné-Poe et Jacques Copeau. Si les femmes sont nombreuses parmi les contributeurs, elles sont rares en ce qui concerne les artistes évoqués, bien que le champ d’étude couvre une large période, de 1830 à nos jours. Un chapitre de Françoise Lucbert aborde d’ailleurs ce sujet.
L’ouvrage, bien que divisé en sept thèmes, suit largement un ordre chronologique et commence par une étude de la revue L’Artiste, dans la partie « Supports et formes », pour se terminer par la revue contemporaine OX, dans la section « Expérimentations ». La France et la Belgique fournissent l’essentiel du matériau, mais les incursions au Royaume-Uni et en Suisse, les fréquentes mentions du reste de l’Europe et les exemples pris dans le monde entier – aux États-Unis avec le magazine Aspen, au Brésil avec Arquitetura e Decoração, par exemple – rappellent utilement que la revue d’art est un phénomène mondial
Pour l’historien de l’art, nombreuses sont les surprises à propos d’une revue ou d’un artiste qu’il croyait bien connaître. La revue L’Artiste, conçue dans l’esprit d’une « fraternité des arts », est fondamentalement une revue littéraire, comme le révèle l’analyse de José-Luis Diaz. Il y est plus question de définir un esprit et une attitude d’artistes que de s’intéresser aux auteurs d’œuvres d’art. Ainsi, précise l’auteur, les artistes phares de la revue sont choisis en fonction de leur mode emblématique« d’être artiste » et « de leur complicité avec la rédaction tout autant que de leurs qualités artistiques ». Et, si Eugène Delacroix, Paul Huet, Achille Devéria, Alfred Johannot et Louis Boulanger écrivent des articles, « petite déception, ils ne s’expriment pas véritablement sur la peinture, ni sur l’art en général ». Daphné de Marneffe, présente, dans un autre chapitre, le cas des artistes animateurs de revues littéraires.
Parmi les artistes qui ont utilisé les revues pour se faire entendre, Auguste Rodin est étudié par Véronique Mattiussi et Paul Gauguin par Pierre Pinchon. Selon lui, l’activité littéraire de Gauguin « témoigne non seulement des nouvelles conditions d’exercice du métier d’artiste sur la scène symboliste, mais aussi de l’immédiate compréhension par Gauguin des potentialités offertes par le mode périodique sur la scène parisienne des années 1890 ». En 1893 et 1894, notamment, celui-ci publie cinq textes dans les Essais d’art libre, « support d’expression ouvert à toutes les tendances de la scène contemporaine » qui a aussi organisé l’exposition « Portraits des écrivains et journalistes du siècle », à la galerie Georges Petit en juin 1893. Pour Gauguin, explique l’auteur, cette petite revue « offrait une plus grande souplesse éditoriale et permettait une meilleure réactivité aux événements. [Elle] avait aussi cet avantage d’être constituée d’une revue, d’un imprimeur et d’une galerie » dont il profita. Elle fut pour lui un tremplin. Dans un autre chapitre, Évanghélia Stead raconte comment Aubrey Beardsley utilisa avec intelligence les revues françaises pour se faire connaître, y popularisant un style ensuite copié par d’autres artistes.
De son côté, « c’est au sein de la presse illustrée qui bénéficiait, en période de censure, d’une relative liberté que Nadar a trouvé son “coin de publicité” », écrit Érika Wicky. Rédacteur (et même rédacteur en chef), caricaturiste et photographe, il trouve là un support pour s’exprimer, pour accroître sa notoriété et son cercle relationnel. Et, grâce aux revues, il peut hisser la photographie au rang d’art, confortant ainsi son statut d’artiste. Rachel Esner explique enfin que c’est sur la photographie que s’appuie en 1898 Le Figaro illustré pour « vendre l’artiste aux bourgeoises », séduites par les portraits faussement instantanés des peintres dans leur atelier.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°546 du 22 mai 2020, avec le titre suivant : Les périodiques, partenaires particuliers des artistes