En analyste de l’évolution des musées, un collectif de muséologues produit un dictionnaire sur le sujet.
Si, en vingt ans, les musées sont entrés de plain-pied dans le monde de la communication et de la consommation culturelle, la jeune science appliquée qui les étudie reste encore mal connue. À en croire les auteurs de ce Dictionnaire encyclopédique de muséologie, un projet inédit, le grand public la confondrait encore avec « une technologie qui vise à faire fonctionner les musées ». Ce décalage ne surprend guère tant les spécialistes de la muséologie semblent marginalisés par les professionnels des musées, se retrouvant cantonnés à une analyse et à une théorisation a posteriori. Par peur de l’introspection ? La publication de cet imposant outil, qui vient s’adosser au code de déontologie pour les musées édité par le Conseil international des musées (Icom), viendra peut-être rectifier le tir. Premier du genre, ce dictionnaire ne manque en effet pas d’ambition. Comme l’écrivent en préambule ses concepteurs, André Desvallées, qui fut l’assistant de Georges-Henri Rivière, pionnier français de la discipline, et François Mairesse, animateur de la chaire de muséologie à l’université Paris-III, l’entreprise revendique une filiation avec l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, et entend poser des « germes de sciences » sur la discipline. Après tout, le musée « qui montre et qui explique » entretient bel et bien des affinités avec le projet encyclopédique. Lancée en 1993, la rédaction de cet outil, qui émane d’une communauté scientifique francophone, s’est concrétisée en une somme de vingt et un articles encyclopédiques synthétisant les grandes problématiques de la muséologie (architecture, collections, exposition, publics…) ; il est complétée par un dictionnaire riche de cinq cents termes.
Rédigés par différents spécialistes, les articles adoptent un ton plus ou moins critique. Le long texte de Serge Chaumier, professeur à l’université d’Artois, consacré à l’éducation, souligne le hiatus existant entre la profusion de l’offre dite « pédagogique » et son contenu éducatif, qui relève souvent de l’« alibi », réduisant le musée à un « terrain de jeu ». En filigrane se dessine l’image d’une institution qui s’éloigne du monde de la recherche pour se rapprocher de celui des loisirs, où seule la notion de plaisir demeure un impératif. Au point que ses auteurs se demandent si la muséologie ne devrait pas être enseignée dans les écoles de management ou de tourisme. Le propos n’a rien de sentencieux. Après tout, écrivent ces spécialistes, si le loisir était envisagé dans son sens latin, l’otium, il concernerait le temps destiné à la conquête de soi. « Si notre éducation avait été bien faite, et qu’on nous eût inspiré un goût vif de la vertu, l’histoire de nos loisirs serait la portion de vie qui nous ferait le plus d’honneur après notre mort », rappellent-ils. L’avertissement est tiré de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.
Dictionnaire encyclopédique de muséologie, sous la direction d’André Desvallées et François Mairesse, éd. Armand Colin, 72 p., 59 €, ISBN 978-2-200-27037-7.
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Les musées sur le divan
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°350 du 24 juin 2011, avec le titre suivant : Les musées sur le divan