La caméra de Marianne Lamour tente de mettre à jour les ressorts des acteurs qui font et défont le marché de l’art.
Dans son film La Ruée vers l’art, Marianne Lamour propose une radioscopie d’un milieu habituellement réservé aux initiés.
Après la bourse et la pierre, l’art contemporain est devenu la valeur refuge dans laquelle investir. Pour éclairer cette spéculation, ainsi que l’émergence fulgurante d’artistes, Marianne Lamour s’est immergée dans le milieu artistique, aux côtés de Catherine Lamour et Danièle Granet qui menaient alors une enquête pour leur livre Grands et petits secrets du monde de l’art, paru aux éditions Fayard (2010).
Toutes trois, étrangères à ce domaine, ont participé aux grandes foires internationales (Bâle, Singapour, Miami, Venise, New York, Paris, Shanghai, Pékin) au cours desquelles elles ont rencontré des ténors du marché et du monde de l’art : Larry Gagosian (représentant des artistes les plus côtés, qui amasse un milliard de chiffre d’affaires par an) ; Charles Saatchi (collectionneur et marchand venu de la publicité « qui a sapé l’ancienne aristocratie de l’art », précise Marianne Lamour) ; Pierre Huber (marchand d’art redouté pour sa liberté de parole), et bien d’autres.
La Ruée vers l’art s’ouvre sur la vente aux enchères de la collection Yves Saint Laurent et Pierre Bergé chez Christie’s, qualifiée de vente du siècle, où les prix s’envolent, passant de 8 à 26 millions d’euros (!) pour une pièce en quelques minutes ! Des sommes faramineuses qui interpellent. À ce sujet, le puissant marchand d’art David Nahmad souligne que « si ça n’est pas quelque chose d’inabordable, les gens ne sont pas intéressés (…) et le problème avec les nouveaux artistes, c’est que la spéculation nous empêche de voir clair ». Une spéculation qui opère dans un microcosme auto-alimenté où des hommes d’influences donnent le la au reste du monde. Sans oublier les quelques milliardaires en mal de reconnaissance qui, comme en témoigne Philippe de Montebello (ancien patron du Metropolitan Museum pendant 31 ans), « surenchérissent pour être sûrs d’avoir payé le prix le plus élevé ». Une interprétation du quart d’heure de célébrité annoncé par Andy Warhol ? Une chose est sûre, « l’argent a pris le dessus sur l’art », affirme Pierre Huber. Ce constat est fait donc au sein même du milieu, par certains de ses acteurs, lucides, comme le souligne le film. Mais David Nahmad, habituellement peu bavard en l’absence de ses avocats, soulève un autre aspect intéressant : la posture de l’artiste d’aujourd’hui, comparée à celle des grands d’hier (Picasso, Miro, Léger,) qui croyaient en ce qu’ils faisaient et ne cherchaient pas à séduire et répondre aux attentes de l’époque
Le marché met cap à l’Est
Par ailleurs, depuis quelques années, un véritable déplacement s’opère de l’Europe et des États-Unis vers l’Asie. Faire l’impasse sur l’Asie revient à se placer hors-jeu, 48 des artistes parmi les 100 les plus vendus au monde étant chinois ! Des Chinois que l’on retrouve également parmi les nouvelles fortunes acquéreurs d’art sur le marché. Mais sur quels critères font-ils monter les enchères de certains artistes ? Le constat établi par ce documentaire dresse un bilan impitoyable d’un milieu mercantile, laissant peu de place aux émotions, à la passion désintéressée pour l’art, aux qualités des artistes, et au discours des œuvres.
À l’exception de quelques professionnels qui gardent la tête froide ou de collectionneurs ; comme ce couple d’Américains, les Rubell, qui parcourent le monde à la recherche de nouveaux artistes et contribuent à leur révélation dont Zhang Huan qui ouvre ses ateliers, dans lesquels deux cents personnes travaillent. Une note d’espoir résonne donc encore. Quant au talent, l’avenir dira qui passera réellement à la postérité et qui, loin de ces circuits, fut boudé, ignoré, ou mésestimé à tort
La ruée vers l’art (86 min), un documentaire de Marianne Lamour, en salles le 16 octobre. À noter également le livre Grands et petits secrets du monde de l’art de Daniel Granet et Françoise Lamour (Ed Fayard). Ainsi qu’un dossier dans Books (septembre 2013) sur « Le grand bluff de l’art contemporain ».
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Les confidences du marché de l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°398 du 4 octobre 2013, avec le titre suivant : Les confidences du marché de l’art