Accepter de voir sa vie et son œuvre enfermés dans une monographie quand l’on pratique l’ironie en peinture, c’est un peu comme accepter de recevoir la Légion d’honneur quand on a auparavant appartenu à la mouvance punk.
Nina Childress, née en 1961 à Pasadena (Californie), s’est « posé des questions » avant d’accepter de recevoir la distinction en 2021, qu’elle voit comme une sorte de « badge de luxe ». « Et les badges, c’est un truc punk en fin de compte ? », dit-elle. Pas faux. Mais la monographie, alors ? L’objet n’est-il pas trop sérieux, trop « good » quand on a longtemps cherché à peindre « bad » ? Trop muséifiant quand on est cheffe d’atelier aux Beaux-Arts de Paris ? Un double risque évité, ici, par l’humour et la subversion intelligemment déployés par l’artiste. Car ne nous y trompons pas : Nina Childress, 1 081 peintures est moins une monographie qu’un livre d’artiste en deux volumes. Dans un format dico (18 x 25 cm pour 750 p.) sous une couverture entoilée, le premier volume dresse le catalogue raisonné des peintures réalisées par l’artiste depuis Falling from a chair […] en 1980 jusqu’à Suite de chaises en 2020 – la chaise, tiens ? –, soit 1081 œuvres dont les reproductions en couleurs confirment qu’il était temps de consacrer le travail de l’artiste. De même format mais, cette fois, à la couverture souple, le second volume, lui, fait place au texte et à un subtil travail de ventriloquie réalisé par Fabienne Radi, artiste et autrice ; autrement dit une biographie de Christine Carol Childress, alias Nina Childress, racontée à la première personne à partir d’entretiens. Dans une écriture spontanée faussement candide, Nina(Fabienne) Childress(Radi) se(la) raconte donc : la rencontre entre sa mère et Jeanne-Claude dans un parc à New York, l’accident mortel de sa meilleure amie du lycée, son passage chez les Frères Ripoulin, ses galères avec son galeriste Éric Dupont, son intérêt pour Sylvie Vartan et Karen Cheryl, sa reconnaissance tardive… C’est drôle et touchant, non dénué de second degré aussi lorsque l’artiste réunit en planche ses essais capillaires entre 1967 et 2021 ou le portrait au crayon de ses 69 amants. Punk is not encore dead.
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Les 1 081 peintures de Nina Childress
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°749 du 1 décembre 2021, avec le titre suivant : Les 1 081 peintures de Nina Childress