Le journaliste du « Monde » Philippe Dagen a rassemblé une soixantaine d’entretiens dans son livre « Artistes et ateliers » paru chez Gallimard.
Philippe Dagen est un critique d’art en vue. Il doit cette position enviable à son talent, à son poste de professeur à la Sorbonne qui lui octroie une indépendance économique à l’égard du milieu artistique, et au journal Le Monde dans lequel il publie ses portraits-entretiens dont une soixantaine ont été rassemblés dans cet ouvrage. Ce travailleur boulimique – il est aussi romancier et commissaire d’exposition – n’est pourtant pas prétentieux pour deux sous. Ou du moins il cache soigneusement son orgueil derrière une simplicité affable que vient relever un accent de son Sud-Ouest natal. Philippe Dagen n’est pas de ceux qui se mettent en avant dans leurs articles, il ne tutoie pas ses portraiturés sur le mode : « tu me disais en 1985, lorsque l’on visitait ensemble la biennale de… », il n’emploie même jamais la première personne du singulier, se réfugiant derrière la neutralité du « on ».
En bon universitaire, il aspire à une certaine objectivité et privilégie une écriture simple et efficace bien loin du jargon verbeux dans lequel certains de ses confrères ou consœurs se complaisent. La plupart de ses papiers suivent le même protocole : une description minutieuse de l’atelier de l’artiste – il tient à mener l’entretien dans les lieux du travail – et la plus grande place laissée aux propos de l’interviewé. Ce protocole oriente son questionnement presque exclusivement sur la démarche de l’artiste, laissant peu de place aux questions d’ordre personnel, même si l’on note une évolution en la matière au fil des années. Avoir rencontré Francis Bacon à l’âge de 28 ans ou Balthus à 32 ans puis les plus grands artistes de la planète a consolidé en lui une connaissance intime nourrie par un intérêt sincère de l’acte créatif qu’il décrit tel un clinicien. Cette position, souvent bienveillante, peut être agaçante et on aimerait qu’il soit quelquefois plus incisif. En fait, il tire une immense satisfaction de pouvoir choisir lui-même les artistes qui feront l’objet de chroniques, exerçant ainsi une subjectivité plus insidieuse. Mieux vaut toujours un portrait mitigé publié dans Le Monde que le silence. Ainsi comment croire qu’en trente ans de carrière il n’ait pu rencontrer, « pour des problèmes de calendrier », Anri Sala, Daniel Buren, Sophie Calle, Pierre Huyghe, Kader Attia ou Mircea Cantor, pour ne citer que quelques-uns des artistes les mieux classés dans l’Artindex du Journal des Arts ?
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Le protocole de Dagen
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Abonnez-vous dès 1 €Ed. Gallimard, « Témoins de l’art », 400 pages, 28 €
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°469 du 9 décembre 2016, avec le titre suivant : Le protocole de Dagen